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en France est pour le moment bien plus curieux de connaître la pensée même de la politique suivie à l’égard de la Pologne que d’apprendre d’où elle vient. Aussi remarquons-nous que la réunion de notre chambre des députés est attendue par le public avec une impatience qu’il n’avait point montrée depuis longtemps. On sent que les discussions de la chambre feront cette lumière dont les esprits et les intérêts ont également besoin. On comprend qu’il sera nécessaire d’exposer à la chambre, sous une forme systématique, la politique que nous avons suivie et que nous voudrons suivre dans la question polonaise. On sait que cette politique devra s’éprouver dans un débat au grand jour, et se dessiner d’autant plus nettement qu’elle sera contrôlée de plus près. On a donc hâte de voir commencer la session. La réunion de la chambre se présente cette année comme une garantie de sécurité et de confiance à un pays qui aime à savoir ce qu’il fait et où il va. Il y a dans cette disposition de l’opinion publique le symptôme favorable d’une renaissance vigoureuse du régime représentatif parmi nous. Les observateurs politiques feront bien d’en prendre note et d’en tenir compte.

Le régime représentatif est une école d’enseignement mutuel dont les leçons sont aussi nécessaires aux souverains qui dirigent les affaires et aux ministres qui les exécutent qu’aux peuples, qui doivent inspirer la politique nationale. Il est utile à l’Europe non moins qu’à la nation anglaise que cette école mutuelle ne soit pas tout à fait fermée en Angleterre dans l’intervalle des sessions. Chez nos voisins, tantôt c’est un orateur populaire qui vient dans un meeting faire retentir le cri de l’opinion, tantôt c’est un ministre en personne qui, en temps opportun, vient donner au public les informations, aux grands intérêts du pays les éclaircissemens qui leur sont nécessaires. Souvent, nous autres continentaux nécessiteux à qui les communications et les épanchemens politiques sont si avarement mesurés, nous avons à recueillir des renseignemens profitables parmi ces manifestations familières de la libre Angleterre. N’est-ce pas, par exemple, une rencontre heureuse pour nous que les tenanciers du domaine de Meikleour aient eu l’idée de traiter samedi le comte Russell dans le nouvel hôtel de ville de Blairgowrie ? À l’humeur conviviale (qu’on nous passe l’épithète anglaise) de ces braves gens, nous devons la première révélation officielle de l’impression produite sur la politique anglaise par les dernières dépêches du prince Gortchakof. Voyez-vous d’ici ces bons habitans de Blairgowrie, une petite ville d’Ecosse, s’apprêtant à faire honneur à l’illustre vétéran du libéralisme britannique ? Ils vont en procession au-devant du noble lord, de la comtesse et de leur famille à une lieue de leur bourg. Un détachement de volontaires fait escorté et donne à la fête à moitié rustique le petit air guerrier qui partout aujourd’hui est à la mode. Le bailli présente une adresse à lord Russell ; on se promène dans la ville en gaîté aux applaudissemens du peuple. À l’heure du dîner, on entre dans le hall de l’hôtel de ville, joyeusement décoré, où est dressée une table de cent cinquante couverts. Les tenanciers de Meik-