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un conseil d’état, une cour des comptes. Le code français forme la base de la législation et de l’organisation judiciaire. Il y a une cour de cassation (aréopage), deux cours d’appel, dix tribunaux de première instance, trois tribunaux de commerce, des justices de paix, des cours d’assises et le jury. Au point de vue de l’administration locale, on retrouve notre division en départemens, en arrondissemens, en communes ; au point de vue de l’enseignement, nos écoles normale, polytechnique, militaire, navale. Comme en France, le suffrage universel est la source des pouvoirs qui régissent la commune, et dès qu’ils ont atteint l’âge de vingt-cinq ans, tous les membres qui la composent jouissent du droit d’électeur.

Malgré ces emprunts faits à nos mœurs et à nos lois, la renaissance de la Grèce a cela de caractéristique que la nation ne néglige rien pour se rattacher à son passé glorieux et pour évoquer les souvenirs qui ont été la cause la plus efficace de sa régénération. Ainsi reçoivent un éclatant démenti les doctrines d’un ingénieux publiciste allemand qui s’imaginait avoir découvert qu’il n’existait plus de Grecs. Par leurs qualités et par leurs défauts même, les Hellènes ont protesté contre le sophisme de M. Fallmerayer. Des héros se sont montrés qui auraient été reconnus pour les fils de la Grèce à Salamine et à Mycale, et M. de Chateaubriand a pu dire : « Le mépris n’est plus permis là où se trouve tant d’amour de la liberté et de la patrie ; quand on est perfide et corrompu, l’on n’est pas si brave. Les Grecs se sont refaits nation par leur valeur ; la politique n’a pas voulu reconnaître leur légitimité : ils en ont appelé à la gloire. » Ce n’est pas seulement au moral, c’est au physique qu’ils conservent le type traditionnel de leurs ancêtres. L’auteur de la Grèce contemporaine, qui ne peut être accusé d’un enthousiasme exagéré, constate que la race grecque n’a que fort peu dégénéré, que ces grands jeunes gens à la taille élancée, au visage ovale, à l’œil vif, à l’esprit éveillé, qui remplissent les rues d’Athènes sont bien de la famille qui fournissait des modèles à Phidias. M. Cyprien Robert, M. Alfred Maury, M. Beulé, tous les hommes qui ont visité la Grèce et y ont fait de sérieuses études ethnographiques se plaisent à signaler les analogies qu’un observateur impartial ne peut manquer de reconnaître entre la Grèce ancienne et la Grèce actuelle. On retrouve chez les Hellènes l’intelligence, la vivacité, la mobilité d’impression de leurs aïeux, et parmi les reproches que l’on fait a leur caractère, il n’en est pas un seul qui n’ait été adressé à leurs ancêtres. Cette versatilité qui les fait s’exalter tantôt pour une puissance et tantôt pour une autre, cette ambition ardente qui a produit ce qu’on appelle en Grèce la grande idée, cet esprit entreprenant qui ne tient pas compte des obstacles, ne sont-ce pas là des souvenirs vivans du passé, et ne pourrait-on pas appliquer aux Athéniens du XIXe siècle le portrait que traçait Thucydide : « Il y a un peuple qui ne respire que les nouveautés ? Prompt à concevoir, prompt à exécuter, son audace passe sa force. Dans les périls où il se jette souvent sans réflexion, il ne perd jamais l’espoir ; naturellement inquiet, il