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est entre Kanasava et Inosima, à 22 kilomètres de Yokohama et à 7 d’Inosima. Quant au Daï-bouts, ce monument se rencontre dans le proche voisinage de Kamakoura, sur la route qui de cette ville conduit à Inosima.

La plupart des résidens de Yokohama avaient visité les différens endroits que je viens de nommer, et tous m’avaient parlé de cette excursion comme de la plus agréable et de la plus intéressante qui puisse être entreprise dans les environs de Yokohama. L’itinéraire en était en quelque sorte tracé d’avance : on m’avait conseillé de me rendre par mer à Kanasava, d’y passer la nuit, et le lendemain de monter de bonne heure à cheval pour visiter, dans le courant de la journée, Kamakoura, le Daï-bouts et Inosima. En me conformant à ces instructions, je devais avant la nuit être de retour à Kanasava, et pouvais, si le vent était favorable, revenir le même soir à Yokohama; en cas de vents contraires, il ne me resterait qu’à passer une seconde nuit dans l’auberge de Kanasava, et j’aurais alors, après avoir donné à ma monture un repos suffisant, la journée entière pour me rendre par voie de terre de Kanasava à Yokohama. Cette manière de faire la promenade d’Inosima est celle qu’adoptent la plupart des étrangers. Ils partent d’ordinaire quatre ou cinq ensemble, emportent des provisions de bouche, et forment avec leur suite, palefreniers, domestiques, bateliers et cuisiniers, une caravane assez nombreuse dont le passage cause toujours une certaine émotion parmi la population indigène. J’avais l’intention de suivre leur exemple, et je m’étais entendu avec plusieurs de mes amis pour voyager de compagnie; mais le temps ne nous avait point été propice : une première fois un coup de vent nous avait surpris dans la baie de Mississipi, qu’il faut traverser pour aborder à Kanasava, et nous avait forcés de rebrousser chemin ; une autre fois une pluie battante nous avait retenus au logis au moment d’entreprendre le tour d’Inosima. Je dus à un coup du hasard de faire cette charmante excursion seul et dans des circonstances dont j’ai gardé le plus agréable souvenir.

Par une belle et fraîche soirée qui avait suivi une brûlante journée d’été, je traversais à cheval les vertes et vastes plaines qui s’étendent à l’ouest de Yokohama, entre la mer et une longue chaîne de hauteurs boisées. Les chemins étaient en bon état, et le poney que je montais, animal vigoureux et vif, comme on en voit beaucoup au Japon, me portait rapidement à travers la campagne. Devant moi courait mon betto, jeune homme de vingt ans, rasant le sol de ses pieds agiles et poussant de temps à autre un cri particulier destiné à éveiller l’attention du cheval, lorsqu’il s’agissait de franchir un petit ruisseau ou d’éviter de grosses pierres qui çà et là