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juges de paix, 15 prêtres, 5 médecins, 10 fonctionnaires, etc. Parmi ces spoliés, il y en a 100 qui ont été atteints pour révolte à main armée, 22 pour avoir « participé » à l’insurrection, 37 sur le soupçon « d’avoir été favorables au soulèvement, » 17 parce qu’un de leurs enfans est au nombre des insurgés, 34 pour avoir fourni des vivres à une bande, 10 pour avoir quitté leur demeure sans autorisation, 7 parce que « le gouvernement ignore, ce qu’ils sont devenus, » 1 parce qu’il est sorti de chez lui la nuit ; un des plus riches propriétaires du pays a été frappé pour, avoir été déjà transporté à Viatka et pour « les mauvais desseins qu’il a nourris, » Les arrêts officiels se taisent sur les motifs de 75 séquestrés. Les biens sont ravagés ; on y met un employé russe, ou à défaut d’un employé le malheureux qui s’est fait dénonciateur, et ici se révèle cette audacieuse pensée d’en finir en étouffant l’insurrection de nationalité dans une guerre sociale, en poussant les classes les unes contre les autres, et dans tous les cas en tentant l’expropriation en masse de la société polonaise.

Confisquer les biens des Polonais, ce n’est point certes ce qui est nouveau ; prendre ces biens et les offrir comme prix de la délation aux paysans, dont la masse a d’ailleurs résisté à cette tentation corruptrice, c’est là ce qui constitue une politique nouvelle. Rien n’est plus curieux qu’une circulaire du général Mouravief qui est le résumé de tout un système. « Dans l’insurrection actuelle, dit l’étrange législateur, il se trouve parmi les personnes de diverses classes qui y prirent part un grand nombre d’hommes ; appartenant à la petite noblesse et même d’odnovortsi, qui ont la prétention de descendre de familles jadis nobles. Ces personnes se trouvent pour la plupart domiciliées sur des terres appartenant à des associations de paysans, soit de la couronne, soit temporairement obligés ; elles abandonnent leur domicile et se joignent aux rebelles ou portent secours aux bandes de rebelles en leur fournissant des provisions, en cachant aux autorités militaires le lieu de leur retraite et en donnant asile à des gens malintentionnés. Trouvant juste de retirer à ces personnes le droit de jouir des avantages et des profils réservés à la classe paysanne fidèle au milieu de laquelle ils vivent, j’ordonne que les terrains et métairies où sont établis des odnovortsi, des hommes de petite noblesse et autres personnes de basse condition, soient immédiatement confisqués aux individus qui se sont joints aux rebelles ou qui sont convaincus de leur prêter la main, et que les terrains soient donnés, avec tout ce qu’ils renferment aux sociétés de paysans de la couronne ou de paysans temporairement obligés dont les coupables font partie, aux conditions suivantes : 1° les sociétés devront accorder la jouissance de ces terrains aux