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notre cause n’est pas gagnée, comment la gagner ? (Une voix : Par la pique!) Nous sommes sans armes, mais les faulx serviront, si l’on nous provoque par trop. Que les patriotes se rallient autour du drapeau vert, jusqu’à ce qu’il soit planté pour toujours au-dessus du drapeau rouge, sur le plus haut parapet de Dublin ! »


On adopta une motion tendant à déclarer qu’il n’y avait plus lieu de songer aux moyens légaux pour le redressement des griefs. Pendant que l’on discutait ainsi, le drapeau vert, avec la harpe et sans couronne, flottait sur la hauteur appelée Meagher’s-Rock.

Je n’ai pas besoin de prévenir le lecteur que piques, faulx, chiens et sang ne sont que de simples tours oratoires. Personne ne songeait à s’insurger à Dunamon. Ce meeting, comme le meeting semblable d’il y a huit jours (octobre 1863), n’a produit aucun effet en Irlande, et les journaux anglais n’en ont parlé que comme d’un trait de caractère. La seule chose sérieuse, c’est que le langage de la haine est le langage habituel de la partie la plus nombreuse de la population; il est, avec les différences que peuvent apporter l’éducation et la responsabilité, celui de quelques hommes considérables. Dans un écrit récent sur les écoles nationales, le docteur Cullen, archevêque catholique de Dublin, parlant de lord Palmerston et de sir Robert Peel, s’exprime en ces termes : « Ces messieurs[1] ne peuvent pas épargner un shilling pour secourir le pauvre affamé ; mais ils sont généreux pour soutenir le système le plus vil qui ait jamais été imaginé par la perversité humaine et la plus grande tromperie qui ait jamais été pratiquée dans ce pays. »

On me permettra quelques détails, car cet écrit jette un grand jour sur les difficultés du gouvernement en Irlande. De toutes les institutions tentées en faveur de l’Irlande, si l’on excepte la cour des Encumbered Estates, une seule a jusqu’à présent réussi : ce sont les écoles nationales, qui réunissent sur les mêmes bancs, pour leur donner une instruction commune, les enfans de toutes les croyances. Les plus grands soins ont été pris pour que chacun puisse recevoir l’éducation de son pasteur et pour que toute tentative de prosélytisme soit écartée. Le gouvernement a remis ses pouvoirs entre les mains d’un comité composé en nombre égal de catholiques et de protestans, et un heureux hasard a fait qu’à l’origine de l’institution il y eut en même temps à Dublin un évêque anglican et un évêque catholique également éclairés et également tolérans, qui ont choisi ou composé les livres dont on doit faire usage dans les écoles nationales. Comme de raison, l’institution a été attaquée

  1. Il y a dans le texte noblemen, qui ne signifie pas noble, mais lord, et cette expression ne peut pas s’appliquer à sir Robert Peel.