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qu’on vient de lire n’ont pour but aujourd’hui que d’expliquer le genre d’intérêt que prennent spécialement les voyages au temps où nous sommes. Malgré la puissance d’assimilation qui pèse sur le monde, tout n’est pas encore tellement uniforme qu’en changeant de lieu, on ne croie à un certain point changer de temps; tous les objets n’ont pas perdu l’empreinte : de leur date, et, à côté de cette ferveur industrielle qui à coups de marteau détruit tout dans l’intérêt de l’alignement et de la symétrie, il s’est développé un certain respect de la vétusté, une commune intelligence du passé qui veille sur les ruines, les conserve, les répare même, et va jusqu’à renouveler par une imitation studieuse ce que le temps a détruit. La curiosité historique ne se contente pas de garder les monumens, elle en refait; l’archéologie enfante l’archaïsme. C’est dans les arts surtout que ces fantaisies de l’esprit du temps se déploient avec le plus de liberté et de succès. Dans les lettres, dans la politique, le jeu serait moins sûr, et l’esprit historique n’a point là ses coudées franches : la conservation n’est pas chose aisée, et la restauration tourne à l’impossible, mais dans les arts la critique a pu, en certaines circonstances favorables, se donner pleine carrière. Je ne sais point d’occasion meilleure pour juger de ce qu’elle sait faire que d’aller à Munich, et l’on rendra même l’exploration plus instructive et plus piquante en s’y rendant par Nuremberg.


I

Malgré l’ancienneté de la maison de Wittelsbach, et quoiqu’elle ait donné un empereur à l’Allemagne, l’électeur de Bavière, du temps qu’il y avait des électeurs, était un des derniers en date. On l’appelait monsieur, comme les autres, au congrès de Westphalie, et celui qui le troisième porta ce titre, Maximilien-Marie, crut gagner beaucoup lorsque son envoyé, qu’on ne traitait pas d’excellence, s’ingéra de dire à Versailles, en 1709, l’électeur tout court, comme on dit le roi. « Cette gangrène passa aisément aux Français... — Tout passe, s’écrie Saint-Simon, tout s’élève, tout s’avilit, tout se détruit, tout devient chaos. » Mais cet électeur, quoiqu’il dût son rang à l’Autriche, était tellement serré de près par elle et par elle spolié au besoin, qu’il devint le favori de la France, joua pour elle ses états dans la guerre de la succession et sa vie à la bataille de Ramillies. L’alliance était si naturelle, si politique, que, pour faire son fils empereur, Louis XV courut tous les risques d’une guerre générale, et Napoléon regarda comme un des fruits de la victoire d’Austerlitz de faire un roi de son successeur. Maximilien Ier était un prince sage qui fut reconnaissant tant que sa reconnaissance cadra