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consultant une carte un peu détaillée, d’une série de polders portant chacun la date de son endiguement, et qui sont venus se grouper autour d’un noyau primitif, à la façon des élémens qui s’agglomèrent en cristaux. Malgré les pertes faites de temps à autre, les conquêtes l’emportent de beaucoup, et comme les trois fleuves, le Rhin, la Meuse et l’Escaut, continuent à apporter leur limon, qui se dépose au fond des bras de mer, il est certain qu’un jour viendra où toutes les eaux intérieures de la Zélande seront comblées, et où les îles devenues terre ferme ne laisseront plus ouvertes entre elles que les bouches mêmes des rivières.

L’île de Walcheren nous a montré la culture zélandaise modifiée par l’influence d’une population très dense et enrichie par le commerce ; pour en connaître les caractères propres, il faut visiter d’autres îles, celles de Zuid-Beveland ou de Tholen par exemple. Là, comme dans la Flandre des États, on ne rencontre que de grandes fermes et des champs à perte de vue dégarnis d’arbres. La rotation en usage et qui caractérise réellement l’agriculture de cette région est celle-ci : première année, jachère fumée ; deuxième, colza ou orge ; troisième, froment ; quatrième, féveroles ; cinquième, froment ou seigle ; sixième, pois, lin, avoine ; septième, pommes de terre et trèfles venus dans l’avoine. À la huitième année, la rotation recommence par la fumure et la jachère. Cependant on intercale souvent dans cet assolement une culture industrielle qui donne de grands profits et qui est aussi particulière à la zone des îles, celle de la garance. Ce n’est pas sans surprise qu’on rencontre dans ce climat humide et sous le souffle froid des vents de l’Océan cette plante délicate et fine qui se plaît dans les chaudes campagnes d’Avignon, et cependant elle réussit parfaitement ici. Voici comment on la cultive : on donne à la terre un labour profond, puis on la dispose en lits de 70 centimètres de large sur 14 de haut qu’on roule avec soin. On y plante ensuite de jeunes drageons qu’on recouvre l’hiver, à la charrue, de 10 centimètres de terre. La seconde année, on sarcle la terre, on la bine et on la tient meuble et propre. Parfois on conserve la plante trois ans, et alors le produit augmente de plus d’un tiers ; mais d’ordinaire on la récolte au mois de septembre de la deuxième année. Déterrer, au moyen de grandes bêches, les longues racines minces et fragiles qui contiennent la matière colorante est une opération importante, qui demande des soins et qui coûte de 70 à 90 florins par hectare. Séchées d’abord au soleil, puis débarrassées de la terre qui les entoure encore, les racines sont portées au séchoir (mee-stoof), où elles sont séchées au four froid, puis au four chaud, concassées et réduites en poudre. Les experts répartissent ensuite le produit en différentes catégories, d’après la qualité. Huit