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vraiment extraordinaire. Comme le lin épuise beaucoup le sol, ainsi que le remarquait déjà Virgile, urit enim lini campum seges, cette plante ne peut revenir dans la même terre que tous les sept ou huit ans; Il est donc nécessaire d’avoir une vaste étendue à sa disposition quand on veut en récolter une grande quantité chaque année. Les cultivateurs de l’Over-Maas ont pris en conséquence pour champ d’exploitation toutes les terres des Pays-Bas propres à la culture du lin, et voici comment. Ils ne craignent pas de louer des terres très loin de leurs demeures dans toute la Zélande, en Hollande jusqu’au-delà d’Alkmaar, et même en Frise et en Groningue au-delà du Zuyderzée, partout enfin où s’étend la zone argileuse. Ils ne prennent la terre que pour un an : le fermier ou le propriétaire doit la préparer, et eux arrivent pour semer le lin, qu’ils font ensuite sarcler et récolter à leurs frais. Ils paient par hectare de 210 à 260 fr., ou bien de 315 à 375 fr. quand ils louent op beraad, et dans ce dernier cas ils ont le choix à la Saint-Jean, c’est-à-dire le 24 juin, ou d’accepter le lin quand il promet un bon produit et de payer la somme convenue, ou bien de renoncer au marché en abandonnant le lin qui est en terre. Cette dernière clause est très en usage, parce qu’elle partage entre les deux parties les bonnes comme les mauvaises chances; Lorsque la plante textile est séchée sur place, le cultivateur, (vlasboer) la charge sur des bateaux et la transporte près de sa demeure, où il la fait rouir pour la revendre après. Ces sortes d’entreprises à la fois commerciales et agricoles ont quelque chose d’aléatoire qui attire beaucoup de concurrens. Les grandes facilités qui offrent à la navigation les rivières et les canaux si multipliés dans toute, la région basse rendent seules possible une exploitation entamée à la fois sur tant de points si éloignés les uns des autres. C’est un curieux exemple de l’influence qu’exerce le bateau dans les pratiques de l’économie rurale.

En résumé, malgré l’esprit d’initiative que montrent quelques-uns de ses habitans, on peut dire, je crois, qu’eu égard à sa fertilité naturelle, la vallée de la Meuse et du Rhin est la partie la plus mal cultivée de la zone argileuse. Un seul fait suffit pour le prouver sans réplique. Tandis que la moyenne, des produits en froment s’élève pour le royaume à près de 20 hectolitres par hectare, il n’est dans ces bonnes terres d’alluvion que de 16 hectolitres. Sans doute dans ces dernières années, grâce à l’intérêt: puissant qu’inspire ici comme partout ailleurs en Europe tout ce qui touche à l’agriculture, de grandes améliorations ont été opérées, et déjà il serait facile de citer plus d’une ferme qui pourrait servir de modèle; mais en général il reste encore beaucoup à faire. Il est vrai aussi que cette région est exposée à ces terribles inondations dont les désastres prennent parfois