à Sicyone, école dorienne où il devait trouver précisément ce qui manquait aux écoles ioniennes : une science grave, la fermeté des traditions, la méthode poussée jusqu’à la rigueur. De même Phidias avait déjà prouvé que rien n’était plus fécond que l’union des principes doriens aux principes ioniens : son génie était un composé du génie des deux races.
Sicyone était située à peu de distance de la mer et dominait une partie du golfe auquel Corinthe donne son nom. Construite sur un plateau, la ville était reliée au rivage par de longs murs semblables à ceux d’Athènes. Entourée d’une plaine riche et riante, qu’elle partageait avec Corinthe, elle avait peu de puissance, mais un commerce actif, le goût des arts, la passion de la gloire. Rien de plus doux que le climat de Sicyone, rien de plus enchanteur que la vue dont on jouissait de toutes parts. A droite, c’était l’Acrocorinthe, une véritable montagne, dont les beaux rochers élevaient jusqu’au ciel des temples peints d’éclatantes couleurs. Le golfe s’arrondissait mollement au pied de l’Acrocorinthe et s’arrêtait au promontoire de Junon Acrœa, qui cachait la mer des Alcyons. Les regards se portaient alors plus loin sur les côtes de la Béotie et de la Phocide, découpées à l’infini par les flots azurés. A l’horizon se dressaient les sommets du Parnasse, de l’Hélicon, noms poétiques, du Cithéron, tragique souvenir; le ciel si pâle et si transparent de la Grèce faisait ressortir l’harmonie des contours et la variété des teintes. Un peuple qui vivait devant un pareil spectacle n’était-il pas prédestiné à l’amour du beau et à la culture des arts?
L’école de peinture qui illustra Sicyone parut tardivement, au commencement du siècle d’Alexandre. Eupompe en était le fondateur. Il avait compris qu’entre les compositions idéales ou décoratives des peintres athéniens et les tableaux fleuris ou éclatans des peintres de l’Ionie, il y avait place pour un troisième système, qui s’attacherait à l’étude de la nature, à la vérité des formes, et qui se proposerait de plaire par la science plutôt que par l’inspiration, par le caractère plutôt que par la grâce. L’esprit dorien aimait les règles, la précision, la méthode : Eupompe mit au premier rang la connaissance des proportions, il analysa le corps de l’homme, le réduisit en principes, de même que le géomètre procède par abstractions, et réussit à peindre ce prototype plus parfait que les modernes appellent le modèle académique. L’esprit dorien était exact, solide, positif, plus épris de la raison que de la poésie : Eupompe ne s’éloigna point de la réalité, copia le modèle vivant et préféra à tous les mérites le mérite d’être vrai. C’est lui qui arrêta un jour sur la place publique le sculpteur Lysippe, encore jeune et cherchant un maître. — Regarde cette foule qui s’agite sous nos yeux,