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produits par la raréfaction de l’air; mais sur ce sujet les résultats sont aussi variables que les tempéramens des voyageurs. Tantôt les battemens du pouls deviennent plus forts et tantôt ils deviennent plus faibles; chez quelques individus, ils s’accélèrent, et chez d’autres ils se ralentissent. M. Glaisher poursuit encore ses recherches et paraît s’occuper de faire tourner l’expérience qu’il a su acquérir en aérostation au profit des opérations militaires. Il est à désirer qu’il ait des imitateurs en d’autres pays. Le climat changeant de l’Angleterre et l’atmosphère agitée qui recouvre cette contrée ne sont peut-être pas très favorables aux observations dont il s’occupe. Il est probable qu’au-dessus des grandes plaines d’un continent on trouverait plus de fixité dans les élémens, et que les lois qui régissent les courans atmosphériques apparaîtraient avec plus de netteté.

Au moment où les frères Montgolfier venaient de produire en public leur merveilleuse découverte, quelqu’un demandait à Franklin à quoi serviraient les ballons. « A quoi sert, répondit-il, l’enfant qui vient de naître? » Ces paroles sentencieuses d’un homme de génie, que plus d’un inventeur voudrait exploiter en faveur de ses idées, pourraient se justifier par les services que les ascensions scientifiques rendent quelquefois à la météorologie. La science peut-elle à son tour perfectionner les aérostats et en faire des machines utiles? La question n’est pas nouvelle, et semble en ce moment plus que jamais à la mode. Il est donc à propos d’étudier ce qui a déjà été conçu, projeté ou essayé, pour satisfaire à un désir si général.

En 1850, alors que les essais aéronautiques étaient bien venus du public et encouragés par de nombreuses sympathies, les recherches des inventeurs paraissaient s’être dirigées vers la solution d’un seul problème. Diriger les ballons, tel était le vœu ou, pour mieux dire, telle était la préoccupation de tous. L’Académie des Sciences reçut pendant cette seule année vingt et un mémoires sur la navigation aérienne. On ne peut savoir en quoi consistaient ces projets, car, par un dédain que l’on s’explique aisément, l’illustre secrétaire perpétuel de l’Académie se bornait, en ces matières, à mentionner dans les comptes-rendus le nom de l’auteur et le but qu’il se proposait. Il aurait même voulu détourner les hommes sérieux de ces travaux, qu’il considérait comme chimériques. A l’occasion des nombreuses communications qui lui avaient été adressées depuis quelque temps, M. Arago fit observer, dans la séance du 25 novembre 1850, qu’un membre fort distingué de l’Académie des Sciences, Meusnier[1], avait depuis longtemps traité ce sujet

  1. Meusnier, officier très instruit de Parme du génie, consacra dix années de sa vie à des études aéronautiques. Ayant longtemps séjourné à Cherbourg, il se livra à une foule d’expériences sur la résistance des cordes, des toiles et d’autres substances qui se trouvaient dans l’arsenal de la marine. En 1793, il fut envoyé comme général à l’armée du Rhin et fut tué par un boulet au siège de Mayence. A sa mort, les Prussiens, saisis d’admiration et de respect, cessèrent leur feu pour donner aux Français le temps d’élever la tombe de leur général dans un des bastions de la ville. Monge recueillit les plans et les papiers que cet ingénieur avait laissés à Cherbourg, et les déposa à Paris au ministère de la guerre, qui plus tard les envoya à l’école de Metz, où ils doivent être encore. Meusnier avait préparé, entre autres projets, les plans d’un magnifique aérostat ellipsoïdal de 87 mètres de grand axe et 43 mètres de petit axe, destiné a porter trente hommes avec soixante jours de vivres. M. Marey-Monge, dans un livre intéressant, Études sur l’aérostation, a publié quelques planches qui donnent une idée de l’importance de ce travail. La nacelle, avec l’équipage, les vivres et le matériel qu’elle emportait, ne devait pas peser moins de 25,000 kilogrammes.