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de foi n’a jamais troublé l’union la plus heureuse et la plus passionnée.

Rien ne le peint mieux que son début dans la vie publique en 1815. Ce qu’on a nommé la terreur blanche était dans toute sa violence. La vengeance du parti vainqueur poursuivait surtout le maréchal Ney. M. le duc de Broglie n’avait pu encore, à cause de son âge, prendre part aux délibérations de la chambre des pairs ; il eut ses trente ans accomplis quelques jours seulement avant le jugement du maréchal, et au lieu d’attendre, pour exercer son droit, que tout fût fini, il le revendiqua avec instance et vota contre la mort. Le même homme qui avait résisté au prestige de Napoléon résistait à l’entraînement de la passion royaliste. Il aurait voulu épargner à la restauration une de ces fautes, si faciles au début des gouvernemens, qui pèsent ensuite sur tout leur avenir. Le jeune pair de France puisait dans le sentiment scrupuleux de la justice une sûreté de coup d’œil qui manquait aux hommes d’état les plus expérimentés. A partir de ce moment, il prit une part active à tous les travaux de la chambre des pairs, et soit pendant la restauration, soit pendant la monarchie de juillet, soit même pendant la seconde république, il n’a cessé un seul jour de se consacrer tout entier à son pays. Le coup d’état de 1851 a pu seul le décider à la retraite.

Les trois volumes qui viennent d’être publiés[1] ne renferment pas la collection complète de ses écrits et de ses discours. Un « avertissement de l’éditeur » nous apprend qu’en autorisant à rechercher dans les colonnes du Moniteur ou de plusieurs recueils périodiques l’expression de sa pensée, rendue publique à diverses époques, M. le duc de Broglie n’a permis de la reproduire que quand il était possible de la rattacher à quelque question de philosophie, de littérature, de droit public ou international, en un mot à quelque intérêt permanent. « Pour nous conformer à ce désir, ajoute l’éditeur, nous avons dû nous abstenir de reproduire ceux de ses discours qui n’avaient trait qu’à des incidens aujourd’hui oubliés de notre histoire parlementaire. » Cette réserve discrète, qui ne consent à occuper le public de soi qu’autant qu’il peut y trouver une utilité directe, est tout à fait conforme aux habitudes d’une vie de désintéressement et de dévouement, mais elle nous paraît regrettable : tout ce qui a rempli une pareille vie méritait d’être recueilli. Qui peut dire d’ailleurs ce qui doit être oublié ou non dans notre histoire politique? A. tout instant, nous voyons renaître des questions qui semblaient éteintes, et ces trois volumes en offrent plusieurs exemples.

  1. Écrits et discours de M. le duc de Broglie, 3 vol. in-8o, Didier, 1863.