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plus du tout à la flore générale de l’Angleterre. Les myrtes, les lauriers, les fuchsias, les grenadiers, les hortensias, atteignent une taille remarquable, fleurissent bravement à ciel ouvert, et forment entre eux des haies, des buissons, des rideaux odorans qui garnissent avec élégance les fenêtres et les murailles. Bien d’autres surprises m’attendaient à Grove-Hill, la charmante propriété de M. Robert Were Fox, un savant très connu, membre de la Société royale. Sa maison contient de magnifiques tableaux, de rares porcelaines de Chine et une riche collection de minéraux ; mais on est encore plus frappé de la beauté de ses jardins, qui ont été comparés avec raison aux jardins des Hespérides. L’oranger, le dattier, le citronnier, passent ici l’hiver en plein air, fleurissent librement et donnent des fruits mûrs. J’ai vu un arbre sur lequel on avait cueilli jusqu’à cent vingt-trois citrons dans un jour, tous excellens, et beaucoup plus doux que ceux qu’on vend sur les marchés. On se croirait en Italie ou en Espagne ; mais c’est l’Espagne humide, car l’herbe croît en abondance, et le feuillage des arbres présente à l’œil les mêmes teintes vigoureuses de vert bleu foncé qui distingue la végétation dans les autres contrées de l’Angleterre. M. Fox a naturalisé chez lui plus de trois cents espèces exotiques ; il a ainsi rapproché côte à côte les plantes de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, les arbres des pays froids, les arbres des climats moyens, chargés toute l’année de fleurs et de fruits. Les grands aloès, non emprisonnés dans une caisse ou sous des maisons de verre, mais plantés hardiment dans le sol, forment des allées qu’on dirait naturelles. Le plus extraordinaire est que ces arbres n’ont point à Grove-Hill les airs malingres qu’on remarque d’ordinaire aux productions des climats chauds dont on a changé la patrie : ils croissent au contraire comme s’ils étaient chez eux. Outre Grove-Hill, qui s’élève sur une des dernières collines de Falmouth, M. R. Were Fox possède dans les environs une maison de campagne à Penjerrick, dont la situation est vraiment admirable, et où je passai quelques jours au milieu de toutes les attentions délicates de l’hospitalité anglaise. Devant la maison s’étend une vaste pelouse terminée par un massif de grands arbres qui s’écartent vers le milieu pour démasquer à distance la vue de la mer. Des forêts de rhododendrons et de camélias croissent avec une profusion sauvage dans les parterres, d’où s’élancent en même temps les plantes grasses et épineuses des zones brûlantes. La Cornouaille est bien située au sud-ouest de l’Angleterre, où elle forme une sorte de péninsule ; mais cette circonstance seule, quoique évidemment favorable, ne suffirait nullement à expliquer comment certains endroits de ce comté jouissent d’un climat à part et si fortement tranché dans le climat général