trouver, dans les Wilts et dans le Devon, de vieilles maisons tout écaillées de tuiles, non-seulement sur les toits, ce qui n’aurait rien d’extraordinaire, mais sur les pignons et sur la façade qui regarde la rue. De telles devantures donnent à ces habitations des airs d’immenses reptiles, et il faut ajouter, à cause du calme qui règne dans ces anciennes demeurés, des airs de reptiles endormis. C’est évidemment là une armure contre les pluies furieuses du printemps et de l’automne. En Cornouaille, le même système a été souvent adopté pour la même cause ; toute la différence est dans le caractère des matériaux que fournit le sol. Dans cette dernière province, les roches ardoisières abondent : aussi doit-on s’attendre à trouver la cuirasse de tuiles remplacée par un manteau d’ardoises qui recouvre la face extérieure des maisons. Par une raison également fondée sur la nature des lieux, les massives chaumières de granit du Land’s End se montrent percées de fenêtres basses et étroites comme les meurtrières d’une forteresse. Qui ne voit là une précaution des habitans contre la violence des vents de mer ? Les architectes modernes ont, il est vrai, néglige ces diverses indications du climat dans la construction des maisons riches, mais c’est qu’ils s’appuient sur la science et sur des ressources plus étendues pour tenir tête aux intempéries des saisons.
Ne voudrait-on pas maintenant pénétrer dans l’intérieur de ces habitations et connaître ce qui s’y fait ? Je choisirai d’abord le type d’une famille de gentleman. Un des grands avantages de la Cornouaille est que les propriétaires fonciers résident très volontiers sur leurs terres et surveillent eux-mêmes les améliorations de l’agriculture. En France, les personnes riches vont passer quelques mois d’été dans leur château, puis reviennent à Paris briguer les places du gouvernement ou se livrer aux divertissements d’hiver. En Angleterre, où il y a peu de places à donner et où Londres n’est pas une ville de plaisirs, les choses se passent tout autrement. Ce qu’on appelle chez nous les manières provinciales ne se rencontre guère dans le royaume-uni. On trouve dans le fond des provinces des femmes tout aussi distinguées, des esprits tout aussi cultivés que dans la métropole. Il y a des classes, je l’avoue, mais il n’y a point de distances ; le gentleman est le même d’une extrémité à l’autre de la Grande-Bretagne. La préoccupation de ce dernier à la campagne est de se créer une indépendance morale ; au lieu d’aller à Londres, il attire Londres dans sa maison. Pour cela, il reçoit les livres nouveaux, les revues, les journaux ; il accueille volontiers à sa table les voyageurs qu’il connaît ou qui lui sont recommandés. L’ordonnance de sa maison présente un caractère de grandeur et de simplicité dans la richesse. À huit ou neuf heures du matin, tout le