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où trône une honnête opulence, la vie dans les cottages de labourers ; c’est le nom général qu’on donne ici à tous les ouvriers de la terre. Une seule chambre au rez-de-chaussée sert à la fois de cuisine, de salle à manger et de salon. Une grande cheminée, dont l’âtre est ouvert et sans grille, circonstance rare de l’autre côté du détroit, montre bien qu’elle n’était pas destinée d’abord à brûler du charbon de terre. Le combustible autrefois en usage était des ajoncs, du genêt épineux et du gazon sec qui forme, levé en mottes, une sorte de tourbe. Aujourd’hui ce chauffage est plus ou moins mêlé à de la houille. Un banc de bois ou de pierre, placé dans l’intérieur de la cheminée, sert comme de nid à la famille durant les froides veillées d’hiver. Les laboureurs obtiennent souvent du fermier leur provision de broussailles et d’herbes sèches, à la condition de lui rendre les cendres. Une table de bois blanc sans nappe, mais frottée avec soin, reçoit les mets grossiers et substantiels qu’on a fait cuire devant le feu sur une plaque de fer rouge. Toute la famille s’assoit autour de cette table sur des bancs massifs et le plus souvent fixés au mur ; s’il y a par hasard une chaise ou un vieux fauteuil dans la maison, ce siège est réservé à la grand’ mère. Les enfans sont plus ou moins bien tenus, selon le caractère des lieux et des personnes ; j’ai vu dans quelques pauvres chaumières des petites filles, pieds nus et les cheveux flottans en désordre derrière le dos, qui faisaient songer à l’Irlande, et pourtant l’étranger est frappé de la beauté de toute cette marmaille jusque sous les haillons. Leurs grands yeux noirs, leur teint plutôt fleuri que hâlé par le soleil, leurs membres déjà robustes et bien proportionnés, dénotent évidemment une grande race. Quelle que soit la toilette plus ou moins négligée des personnes, la chambre est généralement très propre ; le pavé, lavé à grande eau tous les matins, est le plus souvent saupoudré d’un sable fin qui laisse transparaître la blancheur de la dalle. Les femmes et les filles, dès qu’elles ont acquis la force nécessaire, se livrent, hors de la maison, dans les étables ou dans les champs, à toute sorte de travaux rustiques ; aussi n’est-il pas rare de trouver pendant le jour ces cottages gardés seulement par une ménagère de onze à douze ans. Encore n’est-ce pas le mot, car la porte reste du matin au soir ouverte à tout venant, avec cette confiance naïve de personnes qui n’ont rien à défendre. Les laboureurs employés constamment par un fermier reçoivent assez habituellement leur grain à un prix modéré et fixé d’avance pour toute l’année ; ceux au contraire qui ne sont point employés régulièrement s’arrangent avec le fermier pour obtenir un morceau de terre qu’ils cultivent. Dans ce cas ils paient naturellement un droit ou cèdent une partie de la récolte. Avec cette moitié de récolte, qui consiste le plus souvent en pommes de terre, le laboureur trouve moyen de