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près de la côte, à quelques milles de Liskeard. De ces divers points d’embarquement, l’étain était chargé sur les vaisseaux phéniciens, qui l’exportaient ensuite à Tyr et à Sidon. On croit que les bronzes d’Assyrie et d’Égypte étaient faits avec ce métal, employé de très bonne heure dans les arts. Le commerce de l’étain avait de même appelé les Juifs sur la côte ouest de l’Angleterre bien avant la conquête des Normands, peut-être même avant la prise de Jérusalem. Il existe dans la Cornouaille beaucoup d’anciennes localités qui portent leur nom, comme Bojewyan (en langue celtique la demeure des Juifs), Trejewas (le village des Juifs), Marazion, l’amère Sion (mara ou amara Zion). Quoi de plus amer en effet que l’idée de la patrie absente ou déchue ? Ce dernier village était autrefois entre les mains des Israélites un grand marché pour les métaux. J’ai vu dans une collection de minéraux et d’antiquités quelques curieux spécimens de blocs d’étain, tels qu’ils étaient préparés pour le commerce à l’époque de l’enfance des mines. Parmi ces échantillons, il est une masse de pierre recouverte ou plutôt dissimulée à dessein par une mince couche de métal, proclamant ainsi que la fraude est ancienne dans le monde. On retrouve dans plusieurs endroits quelques traces des fouilles entreprises soit par les Bretons eux-mêmes, soit par leurs successeurs, les Romains et les Saxons, mais qui remontent dans tous les cas à une antiquité assez reculée. Ces excavations, pratiquées près de la surface du sol, sont fort curieuses et très pittoresques ; elles forment après des siècles des cavernes plus ou moins obscures, obstruées souvent à l’ouverture par des ronces, quelquefois décorées à l’intérieur de stalactites et tapissées d’élégantes fougères qui croissent entre les rochers. Quelques-unes de ces galeries sont assez étendues, mais elles manquent tout à fait de profondeur ; on ignorait alors l’art de creuser des fosses à air, shafts, et celui de se débarrasser des eaux souterraines.

On reconnaît de loin les mines d’étain ou de cuivre à une maison étroite et recouverte d’un toit pointu, qui ne ressemble pas mal à un moulin à vent. Devant cette maison s’élèvent à une hauteur assez considérable deux grosses charpentes qui, écartées l’une de l’autre à la base, se trouvent réunies vers la pointe par une poutre transversale et forment ainsi un angle tronqué. Le sommet de cette construction en bois se montre tantôt nu, tantôt surmonté d’une branche d’arbre au feuillage sec, d’une bannière ou d’une girouette. Le soir, dans les bruyères désertes et sauvages, on dirait des instrumens de supplice, d’énormes gibets qui se dressent au front des collines pour menacer le voyageur. Autour de cette charpente s’amoncellent des bourrelets de terre, des tas de pierres et de décombres, des quartiers de roche brisés par le marteau. Ce sont les entrailles mêmes de la mine. Ces déblais indiquent à la surface l’étendue