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les hommes puissent se reposer. On comprendra tout de suite à quelles rudes épreuves ce mode d’ascension met les forces humaines, quand on saura qu’il faut quelquefois une heure aux ouvriers pour remonter du fond des travaux à la surface de la terre. Les améliorations trouvent malheureusement un obstacle dans la force de la routine et trop souvent aussi dans la parcimonie des actionnaires. La man-engine, qui remplace les échelles si avantageusement, coûte environ 1,200 livres sterling à établir ; il faut construire un shaft (puits) tout exprès pour l’adapter, et souvent les entreprises les plus riches se refusent à de telles dépenses. Les accidens causés par la poudre à canon et par le forage des roches pourraient aussi être atténués par de récentes inventions que j’ai vues trop rarement employées dans les mines de la Cornouaille.

Les mineurs restent six ou huit heures sous terre. Leur tâche, — et elle est dure, — consiste naturellement à arracher le métal et à le séparer de la roche qui le recèle. Tandis que les hommes brisent ainsi les masses d’ardoise ou de granit, d’énormes seaux, kibbles, glissent lourdement le long des chaînes et rapportent à la surface par toutes les bouches de la mine, le plus souvent au nombre de sept ou huit, le produit des travaux. Au bout de ce temps-là, le premier groupe d’ouvriers a fini ce qu’on appelle une ronde, et il est remplacé sur les lieux, comme disent les Anglais, par de nouvelles mains. Dans les exploitations où l’on travaille huit heures de suite, il y a par conséquent trois rondes successives de mineurs toutes les vingt-quatre heures. La mine ne se repose jamais, et certains ouvriers préfèrent même de beaucoup être employés aux heures de nuit ; il est vrai que la nuit est de la même couleur que le jour dans ces mornes souterrains. Au moment où les hommes se rassemblent pour remonter, on voit se former dans les coins obscurs et dans les voies de sortie quelques groupes mouvans de chandelles allumées, sorte d’étoiles filantes. Revenir à la surface pour les mineurs, c’est revenir à l’herbe, to grass. On les voit alors sortir un à un pâles, couverts de sueur, altérés d’air frais. Avec quelle joie ils respirent le premier souffle de la brise qui vient dilater les poumons ! Et pourtant ce brusque changement d’atmosphère, ce passage subit de l’air chaud et stagnant à un courant d’air vif, surtout durant les nuits froides et glacées, est une source de maladies souvent mortelles. Les mains, le visage, les habits tout couverts d’une terre rougeâtre, ils courent pour se laver vers un bassin rempli d’eau tiède qui coule toujours en abondance de la machine à vapeur. Quelques minutes après, ils ont changé d’apparence et reprennent d’un pas lent le chemin de leurs cottages. Ce n’est point parmi les mineurs qu’il faut chercher des exemples de longévité. Ils ne vivent point