leurs épaules, développe leurs formes ; aussi sont-elles généralement bien faites, et elles le savent. Sur le théâtre de leurs occupations journalières, elles se montrent propres et bien vêtues ; si, par hasard, quelques-unes d’entre elles n’ont pas des souliers cirés et luisans, elles les cachent avec un air de honte sous leur jupe trop courte, quand un étranger visite les travaux. Au moment de quitter l’atelier, elles réparent à la hâte, mais avec art, le désordre que le lavage des minerais a introduit dans leur toilette. Elles s’avancent alors par groupes à travers les champs. Ces groupes présentent plus d’un contraste : les jeunes filles rient, chantent et agacent les jeunes gens, les enfans jouent, tandis que les vieux mineurs marchent en silence et d’un air absorbé, songeant à leur souper. À mesure qu’on passe devant les cottages rangés sur le bord de la route, la troupe joyeuse diminue naturellement, et celui où celle qui demeure le plus loin de la mine, ainsi que le dernier survivant d’une nombreuse famille, continue son chemin dans la solitude. Les jeunes filles ont travaillé toute la journée pour un bien faible salaire, généralement sept ou huit pence. Quelquefois cet argent est honorablement employé à soutenir une vieille mère, ou bien à accroître dans une proportion quelconque le bien-être de la famille ; mais trop souvent aussi ce mince et pauvre gain ne sert qu’à satisfaire la coquetterie. En vain les parens cherchent-ils à combattre ce penchant funeste ; les jeunes filles sortent de la maison mises avec simplicité, mais au détour d’une haie elles tirent de leur poche un voile, une broche ou tout autre ornement qu’elles ajoutent à leur toilette. Les ouvrières des mines ont d’ailleurs un ennemi intime, c’est le packman. On donne ce nom à un colporteur qui vend quelquefois de tout, du sucre, du café, du thé, mais surtout des étoffes et des habits. Comme il reparaît tous les quinze jours, on l’appelle aussi, dans le langage familier, Jonhny fortnight (Jean-la-quinzaine). Cet homme tente les jeunes filles par leur côté faible, la vanité. Comme il ne demande point en argent comptant la valeur de ses marchandises, et qu’il se contente au contraire d’un léger paiement par quinzaine ou par mois, le marché est bientôt conclu. À quoi bon être jolie, si l’on ne fait point aussi quelques frais pour aider et relever la nature ? La jeune fille est-elle sur le point de se marier, le packman lui persuade qu’elle a besoin d’une corbeille de noces. Elle paiera plus tard cette dette sur les gains de son mari, et la transaction sera tenue secrète, car Jonhny fortnight se représente comme un modèle de discrétion. C’est toujours la même histoire, le pacte de la jeune fille qui se donne au diable. À partir de ce jour en effet, elle tombe sous la dépendance de cet homme, qui la menace de tout révéler, si elle ne tient point ses engagemens, ou si elle refuse les marchandises offertes par la suite.
Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/444
Apparence