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mie politique, c’est l’étude de leurs relations graduellement généralisées et incessamment vérifiées qui servent de fondement à la connaissance scientifique de la nature humaine. La méthode qui résout chaque jour les problèmes du monde matériel et industriel est la seule qui puisse résoudre et qui résoudra tôt ou tard les problèmes fondamentaux relatifs à l’organisation des sociétés.

C’est en établissant les vérités morales sur le fondement solide de la raison pratique que Kant leur a donné, à la fin du siècle dernier, leur base véritable et leurs assises définitives. Le sentiment du bien et du mal est un fait primordial de la nature humaine ; il s’impose à nous en dehors de tout raisonnement, de toute croyance dogmatique, de toute idée de peine ou de récompense. La notion du devoir, c’est-à-dire la règle de la vie pratique, est par là reconnue comme un fait primitif, en dehors et au-dessus de toute discussion. Elle ne peut plus désormais être compromise par l’écroulement des hypothèses métaphysiques auxquelles on l’a si longtemps rattachée. Il en est de même de la liberté, sans laquelle le devoir ne serait qu’un mot vide de sens. La discussion abstraite si longtemps agitée entre le fatalisme et la liberté n’a plus de raison d’être. L’homme sent qu’il est libre : c’est un fait qu’aucun raisonnement ne saurait ébranler. Voilà quelques-unes des conquêtes capitales de la science moderne.

Ainsi la science positive a conquis peu à peu dans l’humanité une autorité fondée, non sur le raisonnement abstrait, mais sur la conformité nécessaire de ses résultats avec la nature même des choses. L’enfant se plaît dans le rêve, et il en est de même des peuples qui commencent ; mais rien ne sert de rêver, si ce n’est à se faire illusion à soi-même. Aussi tout homme préparé par une éducation suffisante accepte-t-il d’abord les résultats de la science positive comme la seule mesure de la certitude. Ces résultats sont aujourd’hui devenus si nombreux, que, dans l’ordre des connaissances positives, l’homme le plus ordinaire, pourvu d’une instruction moyenne, a une science infiniment plus étendue et plus profonde que les plus grands hommes de l’antiquité et du moyen âge.

Les anciennes opinions, nées trop souvent de l’ignorance et de la fantaisie, disparaissent peu à peu pour faire place à des convictions nouvelles, fondées sur l’observation de la nature, j’entends de la nature morale aussi bien que de la nature physique. Les premières opinions avaient sans cesse varié, parce qu’elles étaient arbitraires ; les nouvelles subsisteront, parce que la réalité en devient de plus en plus manifeste, à mesure qu’elles trouvent leur application dans la société humaine, depuis l’ordre matériel et industriel jusqu’à l’ordre moral et intellectuel le plus élevé. La puissance qu’elles