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droits individuels. « La liberté consiste, disait l’article 4, à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, et l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. » La déclaration établissait comme un axiome que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme. » Dans l’ordre moral, elle proclamait l’incompétence absolue de l’état en matière religieuse, incompétence qui demeure en effet la seule garantie possible de la liberté de chacun au sein des sociétés où l’unité de croyances a péri.

Enfin, en droit international, la révolution française professait à son origine le respect le plus profond pour les traités et pour la situation territoriale réglée par eux. Sans soupçonner la lutte à mort qu’elle allait engager bientôt contre tous les gouvernemens réguliers, elle formait alors, malgré des excitations déjà très vives, les vœux les plus sincères pour le maintien de la paix extérieure. Appuyée sur la toute-puissance du droit, dont elle se considérait comme l’expression la plus élevée, la constituante ne se préoccupait que de l’influence de ses idées, et tenait cette influence pour irrésistible en Europe aussi bien qu’en France, Peut-être n’y a-t-il jamais eu d’époque où le pays, possédé tout entier d’une ambition plus généreuse, ait moins souhaité l’extension de ses frontières. Si l’abbé de Saint-Pierre avait assez vécu pour devenir membre de l’assemblée, il en aurait assurément présidé le comité diplomatique.

Tel était le corps de droit public émané de la révolution française à son aurore. Qu’on le repousse comme erroné, cela peut se comprendre : j’ajoute que, lorsqu’on croit avoir raison contre son pays et contre son temps, on a du moins, en le déclarant, le mérite du courage ; mais ce qui serait plus étrange, ce serait la prétention de se couvrir du drapeau de 89 pour tronquer des idées logiquement indivisibles, ce serait surtout l’espérance de pouvoir appliquer à la famille les doctrines qu’on hésiterait à consacrer pour l’état. Il n’a pas été difficile d’établir la connexité des idées qui se rattachent à la grande date de 89 dans l’ordre politique et civil ; il ne le serait pas davantage de prouver que depuis près d’un demi-siècle ces idées ont persisté dans la conscience publique à travers des transformations nombreuses et d’apparentes contradictions.

Durant la crise où fut engagé le sort de la France depuis les premiers jours de la révolution, les châtimens suivirent les fautes aussi promptement que les fautes elles-mêmes sortirent de la violation des principes. Il n’a jamais été plus facile à l’historien de remonter des effets aux causes et des actes aux personnes, en marquant au front les coupables. Bien loin que les attentats de ces déplorables temps