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se trouvait autrefois une île assez étendue, sur laquelle on avait bâti quelques cabanes de pêcheurs. Vers la fin du siècle dernier, cette île, incessamment rongée, par le flot, disparut, et il n’en resta plus qu’un banc de sable couvert à chaque marée. Maintenant l’île commence à surgir une seconde fois au-dessus de la surface de la mer, et depuis deux ans elle se couvre d’une légère verdure.

Ce sont là les côtes incertaines et changeantes, ce sont les sables qu’il s’agirait de fixer par des travaux permanens de manière à contenir le courant dans son lit actuel, ou bien à lui donner une direction définitive, préférable à celle qu’il suit aujourd’hui. C’est une mission difficile que d’avoir à lutter contre une mer qui dévore et reconstruit si rapidement ses plages ; aussi les ingénieurs chargés d’émettre une opinion sur le problème de l’amélioration du chenal d’entrée ont-ils presque tous différé d’avis sur les moyens à employer. En 1768, Kerney proposait de réunir par une digue l’île de Matoc à la pointe extrême du cap Ferret et de rejeter ainsi toutes les eaux dans la passe du sud, afin d’obtenir l’approfondissement nécessaire. Plus tard, M. de Villers demandait qu’on endiguât la même passe au moyen de deux jetées en clayonnage laissant à l’entrée du bassin une largeur de quinze cents toises ; il conseillait aussi de nettoyer la barre en y traînant des herses en fer, comme on l’a fait depuis avec succès aux bouches du Mississipi et à celles du Danube. L’île de Matoc, sur laquelle M. de Villers voulait appuyer une de ses jetées, disparut pendant qu’on discutait encore les plans de l’ingénieur, et d’autres projets durent être mis en avant. En 1829, le baron d’Haussez, préfet de la Gironde et bientôt après ministre de la marine, ne visait à rien moins qu’à rétablir l’entrée du bassin dans l’état où elle se trouvait probablement avant l’époque historique, et, pour obtenir ce résultat, il proposait de creuser un canal à travers la péninsule du cap Ferret et de fermer l’embouchure actuelle au moyen de carcasses de navires coulés dans la passe. Une commission chargée d’étudier ce plan lui donna son approbation ; mais on peut se demander avec Beautemps-Beaupré, l’ingénieur hydrographe le plus compétent de notre siècle, s’il eût été prudent d’entreprendre comme au hasard un travail aussi gigantesque, sans pouvoir affirmer d’avance qu’un banc ne se formerait pas à la nouvelle entrée, et que les rapides courans de l’ancien chenal se laisseraient museler par une faible barrière de pontons submergés. La révolution de 1830, qui fit tomber du pouvoir le baron d’Haussez, écarta aussi brusquement ses projets, et quelques années après l’ingénieur Monnier déclarait qu’il était impossible de fixer la passe et de l’améliorer d’une manière définitive par un travail humain.

En 1855, M. Pairier, ingénieur ordinaire de la Gironde, a présenté