de deux génies, devant la mystique balance du suprême jugement. L’un des plateaux, on le sait, supporte le vase d’iniquités qu’on suppose rempli de tous les péchés imputés à l’âme, et sur l’autre est placée une plume qui, par une subtile ironie, représente les bonnes actions dont l’âme coupable pourra se prévaloir en face de l’œil qui voit tout. Assis entre deux sphinx, symboles de sagesse, Hélios et Amasis président au jugement; Thoth, qu’on reconnaît aisément a sa tête d’ibis, est en quelque sorte le greffier du redoutable tribunal; Harpocrate, le dieu du silence, un doigt sur les lèvres, étayé de la baguette divinatoire, est assis en face de Thoth. Enfin du haut de son trône le maître universel, le divin Osiris, siégeant devant les portes du monde inférieur, s’apprête à prononcer la sentence suprême.
Telle est en général la forme extérieure de ces passeports délivrés à l’âme pour son voyage éternel; mais sur celui qu’examinait Edmond une longue série d’images, précédant le tableau que nous venons de décrire, semblait raconter certains incidens remarquables de la vie que le défunt avait menée ici-bas. — La première représentait un homme dans la maturité de l’âge, revêtu des insignes de la royauté, debout entre deux jeunes gens. Sa main droite levée tenait un anneau, et d’un geste impérieux désignait un trône grossièrement esquissé dans le même compartiment du tableau. Les noms des trois personnages étaient inscrits au-dessus de leurs têtes en caractères hiéroglyphiques qu’Edmond n’eut aucune peine à déchiffrer. Ce roi qu’il avait sous les yeux était le dernier souverain de la dix-neuvième dynastie, le Thôuoris dont par le Manéthon, et qui est aussi mentionné quelquefois sous le nom de Rhamsès IX. Les deux figures placées à droite et à gauche devaient être sans doute Sethos et Amasis, les deux fils de Thôuoris, à qui le prince ne transmit pas la couronne. — Sous ce premier compartiment une seconde série d’images montrait Amasis, le plus jeune des deux princes, inscrivant sur un papyrus certains caractères en écriture cursive, tandis que de la main gauche il tenait à la hauteur de ses yeux le même anneau qu’on avait vu aux mains du roi dans l’image précédente. Amasis, bien évidemment, reproduisait ou interprétait les caractères gravés sur l’amulette de l’anneau. Sethos, le frère aîné, tournant le dos au trône, était représenté s’éloignant. — Le troisième dessin, occupant comme les autres un compartiment séparé, représentait les deux frères, chacun dans une barque et voguant sur un cours d’eau, probablement le Nil. — Dans le quatrième et dernier tableau, on ne voyait plus que Sethos, debout, les bras croisés, à la proue de la barque. L’autre nacelle allait sombrer. L’eau du fleuve recouvrait à demi la quille renversée. Amasis avait