animal qui n’aurait qu’une moelle épinière, à force de l’exercer, a réussi à produire cette expansion de matière nerveuse que nous appelons le cerveau, qu’à mesure que cette partie supérieure s’élargissait, elle refoulait les parois d’abord molles qui la recouvrent jusqu’à ce qu’elle les eût forcées à prendre sa propre forme, celle de la boîte crânienne ; mais que d’hypothèses dans cette hypothèse ! D’abord il faudrait imaginer des animaux qui eussent une moelle épinière sans cerveau, car si ces deux organes se montrent toujours ensemble, rien n’indique que l’un ait précédé l’autre, et il est tout aussi plausible de considérer la moelle épinière comme un prolongement du cerveau que le cerveau comme un épanouissement de la moelle épinière. Ce qui semble l’indiquer, c’est qu’on trouve déjà l’analogue du cerveau même dans les animaux qui n’ont pas de moelle épinière, dans les mollusques et les articulés. Or, si le cerveau préexiste dans les animaux vertébrés, le crâne préexiste : il n’est donc pas le produit de l’habitude. Ajoutez qu’on comprend difficilement l’exercice et l’habitude se produisant sans cerveau ; ce sont des faits qui résultent de la volonté, et il semble bien que le cerveau soit l’organe de la volonté. Ajoutez enfin qu’il faudrait encore admettre que la matière osseuse eût d’abord été cartilagineuse, afin de se prêter aux élargissemens successifs nécessités par le progrès du système nerveux, ce qui impliquerait une remarquable accommodation dans cette souplesse primitive de la matière, sans laquelle le développement du système nerveux eût été impossible. Je laisse aux zoologistes à décider si toutes les hypothèses que nous venons de présenter sont plausibles et concordent avec les faits.
Au reste il nous sera permis de nous appuyer ici sur l’autorité de l’illustre Cuvier, qui juge dans les termes les plus sévères l’hypothèse de Lamarck[1]. « Des naturalistes, plus matériels dans leurs idées et ne se doutant pas même des observations philosophiques dont nous venons de parler, sont demeurés humbles sectateurs de Maillet (Telliamed) ; voyant que le plus ou moins d’usage d’un membre en augmente ou en diminue quelquefois la force et le volume, ils se sont imaginés que des habitudes et des influences extérieures longtemps continuées ont pu changer par degrés les animaux au point de les faire arriver successivement à toutes celles que montrent maintenant les différentes espèces : idée peut-être la plus superficielle et la plus vaine de toutes celles que nous avons déjà eu à réfuter. ; On y considère en quelque sorte les corps organisés comme une simple motte de pâte ou d’argile qui se laisserait mouler entre les doigts. Aussi, du moment où ces auteurs ont voulu
- ↑ Cuvier, Anatomie comparée, p. 100.