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le développement régulier de toutes les forces économiques de la France. On ne saurait trop songer en effet que ce ne sont pas seulement les ressources de la richesse acquise dès à présent qui pourraient suffire à de si grandes exigences sans trouble pour le crédit ; on a besoin d’aller plus loin : on a besoin de prendre en compte les accroissemens qui doivent provenir de cette expansion d’affaires, de cette fécondation du sol dont le nouveau réseau formera le point de départ. C’est un fait incontestable et déjà signalé que les dépenses nécessitées par la construction des chemins de fer ont été acquittées en une large mesure par les chemins de fer eux-mêmes, ou en d’autres termes que l’essor qu’ils ont imprimé à l’activité publique a seul pu mettre les différens pays en mesure de supporter le fardeau des frais de construction. Oui, les chemins de fer créent eux-mêmes une part plus ou moins forte du capital avec lequel on les exécute ; cela est vrai surtout des lignes principales, des grandes artères de la circulation ; où le mouvement s’établit d’un seul coup, et autour desquelles la prospérité semble naître comme par enchantement. On peut croire aujourd’hui sans témérité, ce nous semble, qu’une fraction des dépenses exigées pour les lignes du second ou du troisième ordre sera compensée de la même manière. Néanmoins une saine analyse des faits acquis à la science empêche qu’on ne s’abandonne à de trop vifs écarts d’imagination. Il s’agit désormais de lignes secondaires : or, à mesure qu’on s’éloigne du faisceau des voies principales, le germe fécondant que va porter au loin le sillon ferré trouve moins de forces à développer, et donne lieu par conséquent à un essor moins considérable de la richesse publique. Stimulans moins efficaces, produits moins abondans à mesure qu’on s’avance vers les dernières ramifications d’un réseau, voilà un résultat que nous révèle nettement l’observation. Il en est un autre d’un caractère analogue, non moins significatif, qu’on peut remarquer même sur les meilleures lignes : c’est que l’impulsion donnée sur le parcours des chemins de fer ne suit pas une progression ascendante toujours égale à celle qu’on observe durant les premières années de l’exploitation ; tant s’en faut. Au début, c’est comme une explosion soudaine de forces accumulées et tenues en quelque sorte captives. C’est une exubérance qu’on ne peut guère comparer qu’au débordement de la sève dans une végétation printanière. Au bout de quelque temps, quand les élémens qui gisaient pour ainsi dire engourdis à la surface du sol ont été réveillés et utilisés, quand il faut fouiller plus avant pour en découvrir d’autres, la progression se ralentit ; elle prend des allures moins impétueuses tout en pouvant rester encore plus ou moins sensible.

Il est donc permis de l’affirmer, les analyses, économiques concordent avec les calculs purement financiers pour conseiller désormais