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guère possible non plus de lui adresser des reproches à ce sujet. Dès qu’on a cru devoir soumettre les dépenses des compagnies à son autorisation préalable, — ce qui, selon nous, est en contradiction manifeste avec le principe que l’industrie privée est en pareil cas le meilleur juge de son propre intérêt, — le gouvernement ne peut plus agir qu’en prenant sur lui la difficile tâche d’apprécier l’état du crédit. Il ne peut plus admettre que les dépenses qu’il juge compatibles avec les ressources financières du moment. Avouons-le donc, le délai n’a jamais qu’un sens hypothétique : on exécutera dans six, dans huit, dans dix années, si on le peut, c’est-à-dire si l’état du crédit s’y prête lui-même. Il ne dépend pas du gouvernement de prévenir l’effet des crises, dont les causes et les caractères sont du reste si variées, pas plus que d’empêcher à telle heure, sous l’influence de telle, éventualité, le resserrement des capitaux. Si j’insiste sur ce point, c’est pour montrer combien serait vain et trompeur un classement hâtif et démesuré. Tandis que devant une appréciation superficielle tout semble ici appartenir à une sorte de juridiction gracieuse, tout se trouve au contraire assujetti à des lois inflexibles, indépendantes de la volonté des hommes.

Voilà ce que doivent se dire les intérêts collectifs, les départemens et les villes, au sujet des futurs chemins de fer ; mais plus les questions de ce genre sont scabreuses et souvent irritantes, plus elles auraient besoin des garanties inhérentes à la publicité et à la libre discussion. C’est là pourtant un des côtés sur lesquels peuvent le moins se répandre les clartés qui en émanent. Il faut des circonstances absolument exceptionnelles pour que les enquêtes ordinaires aient l’ampleur que nous leur avons vu prendre dans la lutte du Midi et de la Méditerranée. Les questions de classement échappent du reste au contrôle du corps législatif, qui n’est appelé, à voter que sur les clauses des contrats ayant pour condition des engagemens ou des subsides du trésor. « Un seul amendement a modifié les sept lois de chemins de fer, … disait le rapporteur de la commission du sénat à propos des conventions de 1863. D’autres amendemens avaient été formulés, mais le conseil d’état a reconnu que les questions de tracé ne pourraient être discutées sans troubler l’économie du sénatus-consulte du 25 décembre 1852. » On voit donc à quelle borne s’arrête, par rapport à l’accroissement du réseau, le droit de discussion devant la chambre élective.

L’inconvénient d’un régime si restrictif, on le sent bien davantage quand on recherche dans les actes de 1863 les motifs mêmes de l’annulation ou, si l’on veut, de la réforme des traités antérieurs. Pour qu’on se crût obligé de revenir sur les contrats si récens et si solennels de 1859, et cela quand à cette dernière époque on était radicalement revenu déjà sur les contrats encore plus récens et non