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périls d’un refus, et en reportant jusqu’à l’année 1857 les difficultés qui pouvaient rester à vaincre, les problèmes embarrassons qui pouvaient se poser encore[1]. Toutes ces difficultés étaient bien de celles que la discussion aurait infailliblement éclairées. Il faut en dire autant pour le changement de front si radical qui s’opéra en 1859. La prolongation des délais, accompagnée de quelques mesures rentrant dans les prévisions de la loi de 1842, aurait peut-être suffi, si un débat public assez large était venu peser le fort et le faible de l’essai tenté en 1857. On connaît au contraire le système qui fut alors imaginé, et dont le trait saillant consiste dans la création de deux réseaux, l’ancien et le nouveau, exigeant une comptabilité séparée très difficultueuse, qui n’aboutira qu’au bout d’un demi-siècle à une fusion définitive : combinaison arbitraire qui, tout en laissant place pour de prochaines échéances à d’inquiétantes incertitudes, engageait, comme on l’a vu, la garantie du trésor sur un capital de trois milliards ! On n’a plus à la juger aujourd’hui ; à mesure qu’on s’éloigne des expédiens de 1859, on en parle avec plus de liberté. Veut-on constater combien l’application en est gênante, on n’a qu’à voir avec quel empressement les compagnies demandent à transférer une ligne du nouveau réseau dans l’ancien toutes les fois qu’avec le système donné les perspectives du trafic le leur permettent. Dans ce cas-là, elles signalent à l’envi l’avantage d’embrasser en une seule comptabilité les résultats du trafic dans une même région et d’échapper aux entraves d’une division purement artificielle[2].

Sur le fond du système, les manifestations sont encore plus positives. Telle compagnie prenait grand soin, tout récemment, de décliner la responsabilité d’une initiative quelconque relativement aux modifications de 1859. Parlant de deux autres compagnies, elle disait : « C’est par elles et pour elles que le second réseau est inventé. Les premières conventions de 1859. ont été arrêtées avec elles ; les autres compagnies n’ont fait que les suivre, car, pour faire admettre un système aussi nouveau, aussi grave au point de vue des finances publiques, il fallait un projet d’ensemble[3]. » Ou nous nous trompons fort, ou ce n’est pas une approbation qu’impliquent ces paroles de l’un des commissaires du gouvernement en 1863 au sujet d’un groupe particulier : « Qu’est-ce que porte, disait-il, la convention de 1859, à tort ou à raison ? Ce n’est, plus la question : la loi est rendue, il faut l’appliquer[4].» Oui sans doute, il faut l’appliquer ;

  1. Rapport du 26 mai 1863.
  2. Rapport de la compagnie d’Orléans, 31 mai 1863.
  3. Rapport de la compagnie du Midi, 16 mai 1863.
  4. M. le comte Dubois, 6 mai 1863.