Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/661

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La liberté des réunions électorales n’est guère traitée plus favorablement. Elle avait toujours été pleinement reconnue sous les gouvernemens précédens, et en permettant ainsi à toutes les opinions de se manifester sans d’autres conditions que le respect des lois, elle avait été destinée à compléter ce système de publicité qui peut suppléer avec avantage au grand nombre des électeurs, sans que le grand nombre des électeurs en tienne jamais lieu. Quand on a eu, ne fût-ce qu’une fois, le spectacle des élections d’Angleterre se passant sur la place publique avec l’active intervention de tous les citoyens mêlés sans aucune violence à la discussion journalière des affaires du pays et mis en rapport avec les candidats pour recevoir leurs explications ouïes leur faire donner, il est permis de se poser une question peut-être indiscrète : on est conduit à se demander si les citoyens d’Angleterre qui n’ont pas le droit de suffrage électoral ne prennent pas une part plus large à l’élection que les citoyens de France, qui, en jouissant du droit de vote, sont réduits à ne pouvoir l’exercer que silencieusement. Le gouvernement impérial parut lui-même respecter les réunions électorales, ou au moins les oublier au milieu du renouvellement de toutes les institutions qu’il était en train de remplacer, et lorsque le nouveau pouvoir convoqua les électeurs pour le choix de ses députés au corps législatif, il se contenta de les dissuader d’en faire usage. « Elles auraient l’inconvénient, écrivait alors le ministre de l’intérieur dans sa circulaire aux préfets, de créer des liens prématurés, des apparences de droits acquis qui ne feraient que gêner les populations et leur ôter toute liberté, » Cependant comme, malgré la haute autorité du conseiller, le conseil pouvait n’être pas écouté, la loi ne resta pas longtemps muette, et. le décret du 25 mars 1852 soumit à la nécessité de l’autorisation les réunions publiques, de quelque nature qu’elles fussent. Sans doute les jurisconsultes peuvent délibérer pour prétendre que les réunions électorales, n’ayant pas été spécialement désignées, conservent leurs anciennes franchises; mais le texte de la loi n’en est pas plus rassurant, et l’expérience acquise de la jurisprudence des tribunaux a donné jusqu’ici d’autres exemples que ceux d’une interprétation de loi libéralement élargie.

Ainsi la législation électorale de la France donne indistinctement le droit d’électeur à tous les citoyens, même à ceux qui ne savent ni lire ni écrire : elle permet de confondre dans un même collège électoral des populations souvent éloignées les unes des autres; mais lorsque toutes les garanties devraient être multipliées pour éclairer l’usage d’un droit que la plupart sont si peu préparés à exercer, elle oppose aux communications entre les électeurs et les candidats des obstacles qui les séparent. Voilà une foule éparse de 35,000 électeurs