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1863, malgré toutes leurs apparences contraires, comme le témoignage du besoin que la France éprouve de se retrouver elle-même dans un parti libéral et dans un parti conservateur. Il n’y a entre eux aucune haine ni aucune animosité; en mesurant librement leurs forces, ils peuvent rendre chacun service au pays, l’un en le faisant marcher, l’autre en l’empêchant de marcher trop vite.

Le parti libéral donne-t-il prise contre lui aux soupçons et aux inquiétudes du pouvoir? Le corps législatif vient d’entendre cette déclaration sortir de la bouche d’un député opposant[1] : « Pas plus que vous, messieurs, a-t-il dit, nous ne voulons de révolution, nous ne venons pas porter atteinte à la loi constitutionnelle, nous poser en minorité factieuse, mentir à notre serment et donner ainsi l’exemple d’un parjure perpétuel. Le gouvernement n’a pas le droit de nous prêter cette attitude, et rien ne l’autorise à nous l’attribuer. » Est-ce qu’un parti qui accueille en bienvenus tous ceux qui entrent dans ses rangs, quelles, que soient leurs opinions de la veille, qui n’a ni conciliabules ni signes mystérieux de reconnaissance, et qui est trop fier pour recevoir un mot d’ordre de personne, peut s’entendre pour cacher son drapeau? Les élections ont multiplié ses manifestes, quel est celui dans lequel il y ait un seul cri de guerre, même étouffé, qui puisse être surpris? Son programme est bien connu : ce n’est pas seulement un programme d’opposition, c’est aussi un programme de gouvernement.

Le parti conservateur aurait droit à faire entendre les mêmes doléances que le parti libéral. Il est vrai qu’il occupe au corps législatif la plus grande partie des places, mais en est-il bien le maître? Il serait permis d’en douter quand on lit la lettre écrite par un préfet à l’un des députés les plus dévoués de la majorité à l’occasion de la sympathie qu’il témoignait à la candidature de l’un de ses anciens collègues, combattu dans la circonscription voisine[2]. Il est vrai qu’on se ravisa, et que la candidature officielle fut ensuite conservée sans condition au député ainsi malmené; mais la tradition de telles habitudes se conserve, elle se révèle même involontairement, et c’est pour le parti conservateur que nous souffrions, quant à nous, en entendant cette étrange déclaration échappée ces jours-ci à un commissaire du gouvernement. Il faisait connaître les motifs de l’exclusion prononcée par un préfet contre un ancien député disgracié, et il ajoutait : « On pourrait répondre d’ailleurs

  1. M. Emile Ollivier.
  2. « M. le ministre de l’intérieur me charge de vous prévenir que, si vous voulez conserver l’attitude que vous m’avez annoncée dans l’élection de Chinon, il considérera votre conduite comme un acte d’hostilité, et qu’il proposera à l’empereur un autre candidat à votre place. »