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poursuite de réparations toujours fuyantes et d’une monarchie qui est encore un problème. C’était certes la plus prodigieuse témérité pour ce conquérant, pour ce chef d’une poignée d’hommes débarqués de la veille, de se hasarder dans un pays dont il ignorait l’étendue, la langue, les mœurs, les ressources. Il avait tout à la fois à contenir ses compagnons, dont quelques-uns commençaient à murmurer, et à faire face à l’inconnu. L’héroïque Espagnol n’hésitait point cependant; il faisait mieux : pour qu’aucune possibilité de retraite ne vînt amollir les courages, il faisait brûler les vaisseaux qui l’avaient porté, et, laissant une partie de ses hommes à la Vera-Cruz, il se mettait en marche, allant devant lui, ignorant où le conduirait sa fortune, sachant seulement qu’au loin, dans une ville renommée, il y avait un empereur qui s’appelait Montézuma, et de qui relevaient plus ou moins toutes les peuplades dispersées dans l’intervalle.

Tout était romanesque dans cette aventure, la nature de l’entreprise aussi bien que le caractère du héros et les moyens d’action. Fernand Cortez avait pour interprète un religieux espagnol, prisonnier depuis huit années des Indiens, Jeronimo de Aguilar, qu’il venait de délivrer en passant dans le Yucatan, et une jeune Indienne qu’un cacique de Tabasco lui avait donnée en présent, une fille simple et passionnée qui s’attacha à lui de tout le dévouement clairvoyant de l’amour et le sauva de plus d’un péril. L’Indienne, dona Marina, comme elle s’est appelée, flairait les pièges et les duplicités qui menaçaient son maître. Fernand Cortez s’arrêta d’abord à peu de distance de la Vera-Cruz, à Cempoallan, au milieu d’une tribu qui le reçut en ami, dont il se fit même un auxiliaire, et de là il s’avança bientôt jusqu’à Tlascala. Cette fois il eut à combattre pour se frayer un passage ; il rencontra une résistance opiniâtre de toute une armée de plus de cinquante mille hommes, et tantôt combattant, tantôt négociant, aussi heureux par les armes que par la diplomatie, laissant partout des alliés, douteux peut-être, mais effrayés et subjugués, il marche encore. Il était parti vers le milieu d’août de Cempoallan, le 8 novembre il était à Mexico, qui s’appelait alors Tenochtitlan, et là, après avoir dompté les populations sur son passage, il réduisit l’empereur Montézuma lui-même à plier devant son audace. Trois mois avaient suffi. Tout n’était point fini encore, il est vrai. L’esprit de résistance se réveilla chez les Aztèques, et à défaut de Montézuma, tué par les siens, un nouvel empereur, un jeune héros, Guatimozin, s’arma pour l’indépendance nationale. Les Espagnols eurent à subir d’effroyables épreuves ; ils furent obligés un instant de se replier en désordre hors de Mexico, et il y eut une nuit, qui a reçu dans l’histoire le nom funèbre de la nuit triste,