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démonstration morale d’une efficacité souveraine, est devenue une guerre véritable; ce qui n’était considéré au premier jour que comme une affaire de quelques mois dure déjà depuis deux ans; ce qui de loin semblait facile s’est trouvé par le fait hérissé de difficultés, et chaque jour est venu aggraver une situation qui n’était simple qu’en apparence, en mettant à nu une réalité rebelle, en rendant plus sensibles des conditions morales et matérielles où le succès n’est en quelque sorte qu’une complication de plus sans avoir rien de décisif. Le but le plus immédiat désigné à notre action militaire a été atteint, il est vrai ; notre drapeau ne s’est arrêté que juste le temps nécessaire pour reprendre plus sûrement son irrésistible élan. L’armée régulière mexicaine s’est évanouie devant la vaillante bonne humeur de nos soldats et s’est trouvée un jour prise tout entière dans Puebla, la nouvelle Saragosse, comme l’ont appelée ses défenseurs. Puebla une fois démantelée, la route a été ouverte, et nous sommes à Mexico depuis six mois. Nous avons fait ou laissé faire un gouvernement, presque un empereur ; mais est-ce là un dénoûment, et quel sera ce dénoûment?

Qu’on se souvienne un instant des conditions premières dans lesquelles s’engageait l’affaire du Mexique et des péripéties aussi confuses qu’inattendues d’une intervention née du traité du 31 octobre 1861, qui liait la France, l’Angleterre et l’Espagne dans une action commune. Au premier abord, c’était certes l’acte de défense et de préservation le plus simple et le plus légitime. Il y avait pour les trois puissances, un moment rapprochées, des griefs nombreux, identiques, tristement monotones. Depuis vingt-cinq ans, le Mexique dans ses guerres civiles accumule contre les Européens les exactions, les spoliations, les brutalités sommaires, et ce n’est pas seulement dans leurs intérêts que les étrangers ont eu à souffrir; c’est dans leur vie même, comme dans la sécurité de leur commerce et de leur industrie, qu’ils ont été souvent menacés. L’Espagne avait dans les mains une série de conventions perpétuellement violées ou méconnues ; elle avait vu ses nationaux systématiquement massacrés, son ambassadeur brutalement expulsé. L’Angleterre avait vu sa légation à Mexico assaillie, des dépôts d’argent anglais violés et soustraits, à main armée, sans compter la suspension permanente des engagemens contractés avec elle. La France n’était pas mieux traitée; ses agens consulaires, ses nationaux, n’étaient pas plus respectés ; les conventions qui sauvegardaient ses intérêts vis-à-vis du Mexique n’étaient pas plus fidèlement exécutées. Pour tous, il y avait, si l’on peut parler ainsi, une liquidation nécessaire de griefs où tous les gouvernemens, tous les partis au Mexique avaient leur part de responsabilité.