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français : l’armée mexicaine avait vaincu les soldats de Solferino ! Sans avoir la portée qu’on lui donnait, l’incident de Puebla était évidemment une sérieuse complication morale qui avait pour premier effet une certaine surexcitation d’orgueil national colorée de toutes les hyperboles de l’imagination mexicaine. Jusque-là il était bien clair que l’Indien rusé et opiniâtre qui était à la tête de la république mexicaine, que M. Juarez avait tous les avantages sur l’intervention. Il avait habilement démêlé dès l’origine les faiblesses de l’alliance, et il avait aidé de son mieux aux dissentimens par l’intermédiaire de son ministre des affaires étrangères, M. Manuel Doblado, le principal auteur de la convention de la Soledad, le négociateur retors envoyé au général Prim, le libéral préféré de sir Charles Wyke. Par suite de l’échec de Puebla, M. Juarez devenait le représentant populaire de l’indépendance menacée ; il était la personnification vivante de la résistance.

Cette indépendance mexicaine au reste, cette indépendance qui n’était nullement menacée, M. Juarez et les siens la défendaient d’une étrange façon, en multipliant les contributions de guerre, en pressurant périodiquement les capitalistes à Mexico, en rendant des décrets qui déclaraient toutes les propriétés particulières des Mexicains propriétés nationales, en pesant sur la population tout entière par des menaces de proscription et de mort, en redoublant, à l’égard des étrangers, d’exactions, de spoliations et de violences. M. Juarez, en participant à la plupart de ces violences, en éludait quelques-unes, il faut lui rendre cette justice. Un jour, à Mexico, une tourbe de bas peuple, assaillant en tumulte le palais du gouvernement, demandait au président de désarmer les étrangers pour armer les nationaux, d’expulser les Français, les amis des Français, les afrancesados, les ennemis ou les traîtres, et on ajoutait que si le gouvernement ne se hâtait pas de prendre ces mesures, le peuple lui-même ferait justice... M. Juarez éludait prudemment, apaisait ces énergumènes, invoquait la nécessité d’une délibération plus mûre; au fond, il refusait pour le moment de recourir à ces extrémités de représailles. La politique de Mexico n’était pas moins, dans la plupart de ses actes, un système désordonné de violences et de persécutions de toute sorte, et elle profitait surtout du temps qui lui était laissé pour préparer une résistance vigoureuse, en multipliant les difficultés autour de nous par des dévastations régulières qui allaient jusqu’à couper les récoltes, de telle façon que dans cet intervalle, dans cette trêve agitée de quelques mois, la défense s’organisait et s’accroissait dans la proportion même de l’attaque qu’il était facile de prévoir après un premier échec de nos troupes devant Puebla. Il y avait sans doute de la jactance dans toutes les déclamations