Page:Revue des Deux Mondes - 1863 - tome 48.djvu/887

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

(Johnie Amstrong’s lament) qu’il avait entendu chanter dans son enfance.

Toutefois, à part ce qu’on pouvait appeler des prédilections toutes personnelles, ces curiosités poétiques, que colligeaient des antiquaires et des curieux tels que Selden et Pepys, n’étaient pas encore entrées dans le domaine commun de la littérature, lorsque l’évêque Percy publia en 1765[1] ses Reliques d’anciennes Poésies, qui eurent un grand nombre d’éditions, et furent suivies d’une foule de publications du même genre. Tel fut le point de départ d’un retour vers la poésie primitive et populaire, qui devait pendant un siècle donner le ton aux œuvres d’imagination. Non-seulement des poètes, Burns, James Hogg, Logan, Motherwell en Écosse, Wordsworth, Southey, Campbell, Tennyson en Angleterre, empruntèrent à cette source d’inspiration la forme, le thème principal de leurs chants, mais Walter Scott préluda à ses romans par son Recueil des Chants du Border, et il se rappelait avec délices l’arbre sous lequel, jeune écolier, il avait passé de longues heures à savourer les Reliques of ancient Poetry. Percy et ses successeurs, pour faire goûter leurs vieux textes originaux, s’étaient permis, à vrai dire, de les arranger un peu ; mais ils avaient apporté dans ce travail délicat infiniment plus de discrétion que Macpherson, et plus de goût que Moncrif, Laborde, de La Place et autres, qui, ayant essayé chez nous une exhumation du même genre, n’avaient réussi qu’à tomber dans la fadeur et le pastiche. Aujourd’hui que le goût public est à la fois plus hardi et mieux éclairé, on a mis en lumière de nouvelles pièces et des textes plus fidèles ; une société formée sous l’invocation du nom de Percy s’est donné pour tâche spéciale de publier (d’après les manuscrits originaux ou les imprimés devenus rares) tout ce qui se rapporte à la littérature populaire, et notamment les chansons et ballades où le génie de la vieille Angleterre s’est manifesté sous ses formes les plus naïves. Un grand nombre de recueils du même genre ont paru en Écosse et en Irlande. Nous possédons ainsi tout un ensemble de textes précieux qui sont restés pour la plupart en dehors des recherches entreprises chez nous sur la littérature anglaise, et qui pourront jeter un jour nouveau sur plusieurs côtés du caractère national, observé dans les chants historiques et politiques d’abord, puis dans les chansons populaires proprement dites, enfin dans quelques inspirations locales venues de l’Écosse et de l’Irlande, et qui méritent qu’on s’en occupe à part.

  1. L’Ossian de Macpherson avait paru en 1760, et l’ouvrage de Herder, Stimmen der Völker, fut publié en 1778-1779.