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Les chansons écossaises ont un goût de terroir bien prononcé, comme les mélodies mêmes qui les accompagnent. Ce n’est pas qu’on ne retrouve dans les plus anciennes quelques affinités avec les chants Scandinaves, dans celles d’une date plus récente des coïncidences avec de vieux refrains français[1], qui s’expliquent du reste par les relations amicales sans cesse entretenues entre les deux pays. Il faut néanmoins distinguer dans les chansons écossaises deux sources d’inspiration et deux manières tout à fait différentes.

Dans les ballades, les mœurs primitives et sauvages ont laissé leur empreinte. Ce qui domine, c’est la rêverie Scandinave, la rudesse germanique et quelquefois la richesse d’images des poésies serbes et helléniques. À cette veine primitive se rapportent Edward, Edward ! que Herder a traduit en allemand, — la Cruelle Mèren la Cruelle Sœur, the Water of Wearie Well, chants bizarres et saisissans qu’il faut lire, non dans les versions affaiblies de Percy, mais dans la forme naïve que la critique moderne a su restituer. Un petit poème d’une étrange tristesse suffira pour donner une idée de ces poésies originales reproduites par M. Dixon [2].


LES DEUX CORBEAUX.

« Comme je me promenais tout seul, j’entendis deux corbeaux se parler ; l’un dit à son camarade : « Où irons-nous dîner aujourd’hui ? »

— « Derrière ce vieux mur en terre gît un chevalier nouvellement tué, et personne ne sait qu’il gît en ce lieu, excepté son épervier, son chien et sa dame.

« Son chien est allé à la chasse, son épervier lie pour un autre maître les oiseaux sauvages, sa dame a pris un autre serviteur ; ainsi nous pourrons faire un bon repas.

« Toi, tu te percheras-sur sa blanche poitrine, moi, je lui arracherai avec mon bec ses beaux yeux bleus, et des boucles de ses cheveux blonds nous boucherons les fentes de nos nids.

« De ses amis plus d’un mène grand deuil, mais nul ne saura jamais où il est tombé, et sur ses os dépouillés et blanchis le vent soufflera incessamment. »

C’est à cette catégorie que se rattachent les Chants des border écossais et anglais, recueillis par Walter Scott et par W. Frederick Sheldon[3]., car les limites des deux territoires se confondent, et,

  1. Entre autres la ronde Nous n’irons plus au bois, les lauriers sont coupés, — le Conjurateur et le Loup, — la Chanson des nombres, etc. Voyez Chambers, Popular rhymes of Scotland, p. 179, 199, etc.
  2. Scottish traditional versions of ancient ballads. London 1845, in-8o.
  3. Minstrelsy of the Scottish Border. — Minstrelsy of the English Border. London 1847, in-8o.