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déclarait faire donation à l’Académie des Beaux-Arts de mille francs de rente aux conditions suivantes :

« 1° La somme de mille francs devra être affectée exclusivement chaque année à récompenser l’élève architecte qui aura obtenu dans les concours annuels ouverts par l’Académie des Beaux-Arts le premier second grand prix d’architecture ;

« 2° Cette récompense recevra la dénomination de prix Achille Leclère, et devra être décernée chaque année en même temps que le premier second grand prix. »


Que deviennent ces généreuses fondations maintenant que le second prix est supprimé ? L’Académie ne sera-t-elle pas forcée de rendre aux héritiers un capital de 70,000 francs qui n’a plus de destination ? Tout est ôté à la fois à cette jeunesse si laborieuse et si digne de sympathies, le temps de concourir, le droit de racheter à la patrie sa dette de sang, les ressources mêmes qui étaient mises si noblement à la disposition du talent précoce et pauvre. Certes on a bien fait de nous avertir dans le rapport que les réformes qu’on proposait étaient des réformes libérales. C’est sans doute le même libéralisme qui fait abolir le prix de paysage historique, décerné tous les quatre ans. Qu’iraient faire à Rome en effet nos paysagistes ? Ne seraient-ils pas tentés d’y suivre les traces de deux peintres qui y ont vécu et dont il faut redouter l’exemple ? Qui ne comprend que, si le paysage grandiose et classique doit être proscrit quelque part, c’est dans le pays qui a produit Nicolas Poussin et Claude Lorrain ?

Voilà donc bien des causes d’appauvrissement pour les concours. Il en est d’autres encore que l’expérience fera malheureusement découvrir. Les prix de Rome n’en seront pas moins décernés ; les lauréats partiront plus jeunes, plus faibles, plus ignorans, mais ils partiront. Travailleront-ils davantage à Rome ? Apprendront-ils seuls ce qu’ils n’ont pas eu le temps d’apprendre à Paris avec leurs professeurs ? Se formeront-ils par un séjour prolongé, par un surcroît d’études ? Non pas, le libéralisme y a mis bon ordre. Leurs prédécesseurs restaient cinq ans à Rome, ils n’en resteront que deux ; leurs prédécesseurs étaient astreints par l’état à une série de travaux, gradués d’année en année, qu’ils envoyaient à Paris ; eux, après un ou deux envois lestement expédiés, seront quittes envers l’état. Leurs prédécesseurs savaient que leurs œuvres seraient soumises à l’Institut, qu’elles seraient l’objet d’un jugement lu en séance publique, et la pensée de mériter les éloges des maîtres de l’art, le désir de frapper leurs esprits par un chef-d’œuvre, l’espoir de s’asseoir bientôt parmi eux, les enflammaient et les rendaient capables d’efforts surhumains. Les futurs pensionnaires n’auront point