Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ne devaient pas faire bon marché des droits qu’ils avaient jusqu’alors si vigoureusement défendus. Il ne s’agissait pas seulement d’une question d’amour-propre et de fierté patriotique ; la manière dont s’opérerait l’union des îles au royaume hellénique pouvait avoir dans l’avenir de très sérieuses conséquences. Entre se donner soi-même et être donné par autrui, la différence est grande. Les Ioniens, en s’unissant à la Grèce, voulaient se donner librement ; mais ils n’admettaient pas que l’Angleterre pût disposer d’eux en imposant des conditions onéreuses au gouvernement hellénique en échange de ce don royal.

Conformément à sa prétention d’exercer la souveraineté à la place du simple protectorat, l’Angleterre, en posant, d’accord avec l’Europe, aux représentans du peuple ionien la question de savoir si les sept îles persistaient dans leur désir d’union à la Grèce, avait fait déclarer d’une manière formelle au parlement par le lord haut-commissaire qu’elle entendait que son vote fût simplement consultatif. L’état ionien, suivant elle, n’avait pas le droit dans cette occasion de faire acte de souveraineté ; il devait simplement exprimer un vœu, que la décision souveraine de l’Angleterre rendrait seule valable et exécutoire. Le parlement de Corfou ne pouvait accepter ni ce programme, ni ces prétentions. S’appuyant sur les termes non équivoques du traité de 1815, il considérait la république ionienne comme en possession de sa pleine souveraineté, et par conséquent pouvant seule décider de ses destinées sous la sanction de l’amphictyonie européenne. En conséquence, le parlement, au lieu de se borner à une simple réponse consultative telle que la lui demandait l’Angleterre, fit acte de souveraineté, bien que le lord haut-commissaire l’eût fait menacer par ses familiers du refus de recevoir et de transmettre à Londres un acte de cette nature. Il rédigea une réponse au message par lequel le représentant britannique lui avait communiqué l’interrogation de son gouvernement, et en même temps il proclama l’union par un décret rendu à l’unanimité.

C’était de ces deux pièces que le secrétaire de l’assemblée donnait de nouveau lecture au milieu des applaudissemens et des vivat de l’auditoire, dans la séance du 6 octobre, lorsqu’avec mes compagnons de voyage j’entrai dans la tribune réservée aux étrangers. Le décret, dont le texte n’a point été jusqu’à présent publié dans les journaux de l’Occident, était ainsi conçu :


« L’assemblée des Iles-Ioniennes,

« Élue sur l’invitation de la puissance protectrice et réunie pour prononcer définitivement sur la reconstitution nationale du peuple ionien, interprète fidèle des désirs ardens et de l’inébranlable volonté de ce peuple, conformément aux vœux déjà exprimés et proclamés par toutes les assemblées libres des Iles-Ioniennes,