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du fez rouge à floche bleue, avec les larges braies d’étoffe sombre et le gilet croisé à larges boutons d’argent des Albanais du nord et des Monténégrins ; les autres portent un pantalon à la turque avec le gilet et la veste des pallikares et de grandes bottes qui rappellent celles des montagnards crétois ; d’autres enfin se coiffent d’un chapeau de feutre, et portent, comme les Suisses des peintures de la renaissance, avec de larges chausses qui descendent à peine au genou, des bas de couleurs différentes, le plus souvent rouges à une jambe et blancs à l’autre. Tous, comme l’avant-veille, étalaient sur leur poitrine le nœud aux couleurs nationales et avaient orné leur coiffure de rameaux verts ; en outre les paysans tenaient à la main des branches de laurier et d’Olivier. Chaque paroisse, chaque corporation était accompagnée de sa musique, qui jouait les airs patriotiques : un mélomane aurait sans doute trouvé que l’exécution laissait parfois à désirer ; mais les fausses notes se perdaient dans le tumulte de l’enthousiasme universel. Les maisons au pied desquelles tout ce peuple était rangé n’offraient pas un spectacle moins pittoresque que la foule elle-même. Pavoisées à tous les étages de drapeaux grecs et d’étendards aux couleurs des trois puissances protectrices de la Grèce, garnies du sommet à la base de tapis, de tentures et de guirlandes de feuillage, elles présentaient à toutes leurs fenêtres des groupes de femmes au teint mat, aux yeux étincelans, aux cheveux noirs comme l’aile du corbeau, aux traits marqués de ce beau type, tenant à la fois de l’Italie et de la Grèce, qui est particulier aux ioniennes. Les costumes étaient aussi variés dans ces groupes féminins que dans les rangs des hommes. À côté des dames de la ville, vêtues à l’européenne, on voyait les femmes de la campagne avec leurs jupes de couleurs éclatantes et leurs vestes foncées aux brillantes broderies. Les unes avaient le visage élégamment encadré d’un voile de mousseline blanche, comme les femmes de Mégare ou de Psara, les autres des coiffures, plus italiennes que grecques, qui rappelaient celles des paysannes des environs de Naples et de la campagne de Rome. Sous le porche de la cathédrale était placé l’orchestre de la Société philharmonique. Les bannières de tous les villages de l’île, celles des corporations, celles des députations des sept îles, toutes aux couleurs de la Grèce, mêlées de drapeaux français, anglais et russes, étaient groupés sur les marches qui conduisent du quai à l’église. Pour y pénétrer, il fallait passer sous une véritable voûte d’étendards.

Bientôt on vit arriver les membres du parlement, précédés d’un énorme drapeau que portaient douze hommes revêtus de l’uniforme de la garde nationale grecque. Les rues que devaient suivre les députés étaient jonchées de feuillages ; les vivat les plus énergiques