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un seul homme qui lui tînt un autre langage. Il revint à Corfou et y rassembla le parlement pour lui soumettre le projet de réformes intérieures qu’il avait été chargé d’apporter ; mais le premier acte du parlement fut de voter à l’unanimité, le 15 janvier 1859, sur la proposition de M. Dandolo, député de Corfou, la déclaration suivante : « l’assemblée des sept îles déclare que la seule et unanime volonté du peuple ionien a été et est toujours l’union de toutes les sept îles avec le royaume de Grèce. » Une commission de onze membres fut nommée sur une motion de M. Lombardos et chargée de rédiger une adresse à la reine d’Angleterre, transmettant la déclaration du parlement et demandant à la reine de la communiquer aux puissances signataires du traité du 9 novembre 1815. Le gouvernement anglais y répondit immédiatement par le télégraphe, en refusant de communiquer aux puissances la déclaration du parlement malgré un article formel de la constitution de 1817, qui imposait au gouvernement protecteur le devoir de transmettre purement et simplement au gouvernement à qui elle s’adressait toute demande (qualunque richiesta) des Ioniens à une puissance étrangère. Le même jour, le projet de réformes qui faisait l’objet officiel de la mission de M. Gladstone fut communiqué au parlement ionien. Dans une colonie anglaise, ces réformes eussent été excellentes, car elles constituaient un gouvernement fort libéral en soi-même ; mais par les pouvoirs qu’elles accordaient au lord haut-commissaire, elles légitimaient et régularisaient cette souveraineté que l’Angleterre s’était arrogée dans les Iles-Ioniennes depuis quarante-huit ans en dépit des traités, qui ne lui concédaient que le droit de protection. Aussi le parlement rejeta-t-il les réformes à l’unanimité moins une voix.

Les sessions de la chambre ionienne sont simplement bisannuelles. En 1861, elle se réunit de nouveau, et le premier jour de ses délibérations deux propositions lui furent présentées. L’une était une adresse aux grandes puissances de l’Europe pour demander l’union au royaume hellénique ; l’autre, moins légale, tendait à saisir le suffrage universel de cette question. L’une et l’autre se fondaient sur les principes mêmes proclamés au nom du cabinet anglais par lord John Russell dans sa fameuse dépêche à sir James Hudson sur les affaires du royaume de Naples et des états de l’église : « le gouvernement de sa majesté estime que les populations sont elles-mêmes les meilleurs juges de leurs propres affaires. » Le lord haut-commissaire n’osa pas laisser discuter ces deux propositions. Le lendemain, le parlement était prorogé à six mois. Au terme du délai de la prorogation, il fut dissous sans que le haut-commissaire se fût hasardé à le rassembler de nouveau ; mais l’Angleterre espérait