ils retardèrent de vingt ou trente ans la consolidation du nouveau régime.
Jaloux de son autorité jusqu’à écarter systématiquement du roi tous ceux qui n’appartenaient pas à sa coterie, et de sa coterie tous ceux qui n’acceptaient pas son joug, Walpole opposait en même temps aux outrages dont l’accablaient chaque jour ses adversaires, jacobites, tories et whigs dissidens, une libérale indifférence que je me permets de signaler à ceux qui « recherchent par quels moyens l’Angleterre est parvenue à s’assimiler la liberté de la presse. » Depuis qu’un ministre nous a fait une leçon d’histoire sur la condition des journaux en Angleterre au siècle dernier, beaucoup d’honnêtes gens croient comme article de foi qu’à l’avènement de la maison de Hanovre, l’Angleterre s’était volontairement soumise, pour défendre la dynastie de son choix, à une législation terrible qui avait « pour seul objet d’interdire les armes et les institutions de la liberté aux adversaires des institutions nouvelles, » qui rendait illusoire l’intervention du jury, en ne l’appelant pas à se prononcer sur la criminalité des faits soumis à son verdict, et qui donnait à des « juges révocables par la couronne jusqu’en 1760 » un pouvoir discrétionnaire sur les peines à prononcer. Tout cela est inexact. Le régime de la presse anglaise n’a subi aucun changement à l’avènement de la maison de Hanovre ; il n’avait été nullement conçu dans une pensée dynastique, et il servit beaucoup plus souvent les haines et les vengeances du parti dominant que les intérêts du nouveau trône. Un très petit nombre d’écrivains jacobites furent condamnés sous George Ier et sous George II, et ce fut sous George III, après l’anéantissement complet du parti des Stuarts, que lord Mansfield proclama avec éclat la doctrine, soutenue avant lui par plusieurs juges, mais toujours contestée et depuis condamnée, que, dans les procès de presse, le jury avait pour seule mission de déclarer si l’accusé était auteur, éditeur ou imprimeur de la publication incriminée. Bien loin de tourner contre l’opposition, cette prétention abusive tourna contre le pouvoir, multiplia les acquittemens systématiques et rendit pour un temps toute répression impossible. Quant aux juges, ils avaient cessé dès 1701 d’être arbitrairement révocables. Tout ce qu’il leur restait à souhaiter en 1760 pour jouir d’une complète inamovibilité, c’était de n’avoir plus à obtenir le renouvellement de leurs commissions lors d’un changement de règne. À dater de l’avènement de George III, leur indépendance fut protégée par ce supplément de garantie ; mais ce n’était point par manque d’indépendance que péchaient les juges, c’était par passion politique et par ambition. Ils n’avaient jamais sévi avec plus de rigueur contre les pamphlets et les journaux qu’ils ne le firent de 1760 à