Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 49.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les tories comme les whigs s’empressèrent autour du jeune monarque. Les jacobites eux-mêmes le saluèrent roi. La maison de Hanovre était fondée. Trente ans après que Montesquieu avait vu les partisans de la dynastie nouvelle traiter à peine George II avec les égards dus à un premier magistrat, les anciens partisans des Stuarts regardaient George III comme l’oint du Seigneur. Trente ans après que Montesquieu avait vu Walpole gouverner les Anglais par la corruption et Woolston les pervertir par l’impiété, le premier Pitt gouvernait en faisant vibrer dans les cœurs un patriotique enthousiasme, et Wesley régénérait les mœurs en ravivant la foi. George III et sa popularité, qui résista aux plus grandes fautes et aux plus grands malheurs, — Pitt et sa puissance, qu’il acquit en s’appuyant non sur les vices des hommes publics, mais sur la sympathie de la nation, — Wesley et son action vivifiante, qui s’exerça même sur ses adversaires religieux, — ces trois noms, ces trois faits suffisent à marquer les progrès politiques et moraux que l’Angleterre devait à ses libres institutions.

George III différait de son grand-père et de son arrière-grand-père, et par la situation, et par les idées, et par les habitudes. Il était ce que l’Angleterre ne connaissait pas depuis bien longtemps, un roi par droit de naissance, un roi anglais et un roi respectable. Il devait sa couronne non à un parti, mais à un principe : il se faisait gloire d’être le compatriote de ses sujets ; il était pieux, régulier, scrupuleux, appliqué, dévoué aux intérêts de l’état. C’est par là qu’il avait prise sur le cœur de son peuple, mais, d’un esprit étroit, d’un caractère tenace et d’un grand entêtement pour les prérogatives de la couronne, il lui arriva souvent de se tromper sur ses devoirs comme roi d’un pays libre et sur les intérêts qu’il avait à cœur de servir. Il agita la Grande-Bretagne par des actes arbitraires, il provoqua par d’injustes agressions la séparation des colonies de l’Amérique du Nord ; il se livra consciencieusement contre ses plus fidèles ministres à des menées inconstitutionnelles qui les mirent dans l’impossibilité d’accomplir de grandes et utiles réformes ; il parvint à force d’obstination à empêcher beaucoup de bien et à faire beaucoup de mal. Seulement, grâce à la nature des institutions, il ne fut jamais assez puissant pour se perdre. Son honnêteté et l’affectueuse estime qu’elle lui valut font honneur à son temps ; l’impuissance où il fut d’amener une révolution par ses fautes fait honneur à la constitution anglaise.

Le premier Pitt n’est pas le modèle idéal d’un grand ministre constitutionnel. Il n’avait ni l’égalité d’âme, ni la liberté d’esprit, ni la force de conviction, ni la simplicité d’attitude, ni le fier désintéressement qui ont fait de son fils le plus beau type d’homme d’état qu’ait produit l’Angleterre. Lord Chatham était emporté, fantasque,