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les chercher dans les champs, les marchés et les carrefours, et les haranguer dans leur propre et vulgaire langage. Wesley a voulu entrer en concurrence avec l’église anglicane sans entrer en guerre avec elle, et bien qu’il ait été entraîné fort au-delà de son dessein par l’hostilité des bénéficiers qu’il voulait stimuler et par la fougue des évangélistes qu’il employait comme stimulans, la puissante association à laquelle il a donné son nom est encore aujourd’hui dans son pays un corps intermédiaire entre l’église anglicane et les dissidens.

Tout en se séparant de l’église anglicane beaucoup plus qu’il ne l’aurait voulu, Wesley lui a fait infiniment plus de bien qu’il n’aurait osé l’espérer ou même le penser. Il a fait mieux pour elle que d’exciter son activité en excitant sa jalousie ; il a agi sur elle par ses paroles, par ses exemples, par la chaleur rayonnante de sa foi. Il ne lui a pas rendu seulement le zèle ecclésiastique, ce zèle trop souvent intéressé qui peut se combiner avec l’indifférence pour le salut des âmes ; il lui a rendu la vie religieuse, et avec la vie religieuse l’efficacité morale. Si l’Angleterre d’aujourd’hui ne ressemble plus à l’Angleterre du commencement du XVIIIe siècle, elle le doit en grande partie à Wesley ; si Wesley et les wesleyiens ont pu opérer dans leur patrie une aussi profonde révolution morale, ils le doivent, après Dieu, aux lois de l’Angleterre. Des associations comme celle qu’ils ont fondée ne sont possibles que dans les pays libres. Comme George III et comme lord Chatham, Wesley nous offre dans sa vie et dans ses actes un puissant argument en faveur du régime constitutionnel.

Je pourrais citer d’autres noms, invoquer d’autres faits pour montrer l’action bienfaisante que le régime constitutionnel a exercée sur les mœurs en Angleterre au XVIIIe siècle ; mais à quoi bon insister ? N’avons-nous pas l’exemple des progrès moraux que trente-trois ans de gouvernement régulier et libre ont amenés de notre temps en France ? La France doit beaucoup à la révolution et même au régime absolutiste qui l’a suivie ; elle leur doit le sang nouveau qui circule dans notre corps social et la charpente nouvelle qui le soutient ; elle leur doit un accroissement d’activité, de force, de prestige, qui a été assez grand pour résister à l’abus qu’on en a fait. Mais ceux même qui poussent jusqu’à l’idolâtrie le culte de la révolution et de l’empire ne peuvent se refuser à reconnaître que la charte a trouvé la France atteinte des maladies morales qui sont la conséquence inévitable des crises révolutionnaires et du pouvoir arbitraire. Comme dans l’Angleterre de Marlborough et de Sunderland, le sentiment de l’honneur politique était faible parmi les grands personnages de l’état, et les haines de parti étaient impitoyables ; comme dans la France de l’ancien régime, le pays était