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Les duchés de Slesvig et de Holstein ont été depuis plusieurs siècles placés sous le gouvernement des souverains qui régnaient sur le Danemark. Contigus au Danemark, gouvernés par la même dynastie, on s’était habitué à les regarder comme faisant corps avec la monarchie danoise, comme un des élémens de cette monarchie, qui, au point de vue maritime, a toujours tenu dans l’équilibre européen une place si utile et si honorable. Cette confusion séculaire s’était établie d’autant plus facilement qu’au XVIe, au XVIIe, au XVIIIe siècle, et au commencement du XIXe, l’état, à peu près partout en Europe, c’était le monarque, et que l’union des provinces gouvernées n’avait d’autre expression que l’unité de souverain. Durant cette longue époque également, on ignora partout à peu près ou l’on compta pour peu de chose la notion de nationalité, et les distinctions, les griefs, les conflits et les explosions passionnées auxquelles le sentiment de nationalité donne lieu de nos jours. Or depuis quelques années la difficulté du Slesvig-Holstein est née à la fois de la question toute moderne des réformes constitutionnelles, de la question plus moderne encore de nationalité, et de la question qui naissait du vieux droit, du droit d’ancien régime, de successibilité.

Les Danois se sont de nos jours sentis et montrés dignes de posséder un gouvernement constitutionnel et libéral, et ils ont trouvé dans le souverain qui vient de mourir un roi assez éclairé et assez honnête pour seconder l’accomplissement des vœux de ses peuples. L’Europe l’a entendu, peu de semaines avant sa mort, proclamer qu’à ses yeux les qualités politiques de son peuple étaient telles que plutôt que de subir un affront de l’étranger, il n’hésiterait point à descendre du trône et à constituer le Danemark en république. La première difficulté naquit de l’organisation des institutions libérales du Danemark. Le Holstein fait partie de la confédération germanique. Il y avait deux systèmes possibles : ou laisser au Holstein des institutions distinctes, ou le comprendre dans les institutions générales de la monarchie danoise. Mais ici se présentait une autre complication. Le Slesvig ne fait pas partie de la confédération germanique ; cependant le Slesvig ab antiquo est uni au Holstein par un lien politique d’une nature particulière : il est soumis à la même loi de succession que le Holstein ; les princes dont la dynastie vient de finir dans la personne de Frédéric VII étaient ducs de Slesvig et de Holstein avant de devenir rois de Danemark, et cette dynastie, en finissant, pouvait avoir des héritiers différens dans le Danemark proprement dit d’une part, et dans les duchés de Slesvig et de Holstein de l’autre, les deux duchés revenant dans ce cas au même héritier. Comme une conséquence de ces origines et de ce lien que l’ordre de succession avait créé entre le Slesvig et le Holstein, il s’était naturellement établi entre les deux duchés une certaine communauté d’administration et d’institutions. En outre une partie du Slesvig, la partie méridionale contiguë au Holstein, est occupée par une population de race et de langue allemande. La question de savoir si on laisserait le Holstein en dehors de la