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REVUE. — CHRONIQUE.

magne ne permettra que le Slesvig et le Holstein soient désormais placés dans l’économie intérieure des institutions danoises, sous des régimes séparés. Cette prétention de l’Allemagne commence par supposer l’abolition de la constitution du 18 novembre 1863, qui, laissant le Holstein dans une position distincte, incorporait le Slesvig dans la monarchie danoise. Or l’union du Slesvig et du Holstein peut se réaliser dans trois conditions différentes : ou bien les deux duchés participeraient à la constitution commune du Danemark, ou bien ils auraient une constitution séparée tout en demeurant rattachés par le lien personnel du souverain à la couronne danoise, ou bien même le lien personnel serait rompu, et les duchés, complètement détachés du Danemark, formeraient une souveraineté indépendante sous le gouvernement de la maison d’Augustenbourg. L’Angleterre conseille, dit-on, au roi de Danemark l’abandon de la constitution du 18 novembre, et le roi de Danemark, en acceptant la démission du ministère Hall, semble s’efforcer de suivre le conseil de la diplomatie anglaise. Dans cette hypothèse, le gouvernement danois n’aurait le choix qu’entre les deux premières solutions que nous avons indiquées ; mais de ces deux solutions, la première, celle où le Slesvig et le Holstein seraient compris ensemble dans la constitution danoise, paraît impraticable quand on songe qu’essayée depuis onze ans elle a continuellement troublé le Danemark sans contenter l’Allemagne : cette solution ouvre en effet à la confédération germanique un accès à des ingérences incessantes dans le gouvernement intérieur du Danemark ; elle tend à germaniser le Danemark, à l’absorber dans le cercle des intérêts allemands. La seconde solution, celle qui donnerait aux duchés placés sous le même sceptre que le Danemark une existence politique séparée, serait moins hérissée de tracasseries quotidiennes, mais elle serait pour le Danemark un affaiblissement moral et politique ; en respectant la lettre, elle violerait l’esprit du traité de Londres, où les puissances ont proclamé « qu’elles reconnaissaient comme permanent le principe de l’intégrité de la monarchie danoise. » Cependant les conseils de la diplomatie anglaise ne laissent pas d’autre voie ouverte au Danemark que l’une des deux solutions précédentes ; c’est également à la condition qu’il fera son choix entre ces limites que la Prusse et l’Autriche maintiennent leur adhésion à la lettre du traité de Londres tout en menaçant déjà le Danemark de l’occupation militaire du Slesvig. Or, tandis que le roi de Danemark est resserré dans ce triste dilemme, l’exécution fédérale accomplie dans le Holstein est accompagnée de circonstances qui attaquent directement le traité de Londres, et commencent à trancher contre le roi Christian la question de succession dans les duchés. On laisse les villes et les assemblées populaires proclamer le duc d’Augustenbourg comme duc de Slesvig-Holstein ; le duc est lui-même entré à Kiel et y ébauche l’organisation de son gouvernement. Que si c’est cette solution extrême qui, au mépris du traité de Londres, prévaut dans les duchés, soit grâce aux connivences calculées de l’exécution fédérale, soit par le refus des Danois de se rendre