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dont on reconnaît également les traces dans le district du Westerwolde en Groningue, dans tout l’Over-Yssel, dans le pays de Zutphen, dans la Veluwe et jusque dans le Gooiland, aux portes mêmes d’Amsterdam, c’est-à-dire dans toutes les parties de la région sablonneuse du diluvium que les Saxons occupèrent vers le ive siècle. La marke, cette espèce de propriété à moitié indivise, n’était pas transmissible autrefois par vente ou donation ; mais de nos jours les tribunaux ont décidé qu’elle pouvait s’aliéner comme tout droit immobilier, et quand, pour sortir d’indivision, on vient à vendre les marches, le produit est partagé entre les copropriétaires d’après le nombre de wharen ou parts qu’ils y possèdent. Cet antique régime, qui avait embrassé jadis tout le territoire, comprenait encore en 1828, dans la Drenthe seule, cent seize marches et 126,398 hectares, c’est-à-dire environ la moitié de la province. En 1860, il ne restait plus que quarante-trois marches indivises avec 32,995 hectares ; mais, même après la division, presque tout le territoire des anciennes marches reste soumis au pâturage commun, et 40 pour 100 de la superficie totale est demeurée inculte. Il est intéressant de retrouver encore intacte une antique institution rurale bien antérieure à la commune[1], à la paroisse même, et qui, remontant au temps où les Germains adoraient Thor et Wuodan, a résisté également au régime féodal et à la centralisation moderne, et continue à durer malgré les textes du code civil, de même qu’on voit en Italie saillir sous les monumens modernes les puissantes et indestructibles assises des substructions cyclopéennes.

Jadis les cohéritiers de la marche se réunissaient une fois l’an, à la Saint-Pierre, en assemblée générale (holting). Ils y paraissaient en armes, et nul ne pouvait se dispenser d’y assister sous peine d’amende. On y réglait tous les détails de la jouissance de la propriété commune, on arrêtait les travaux à faire, on prononçait les peines pécuniaires pour violation des règlemens, et on nommait ceux qui étaient chargés du pouvoir exécutif, le markenrigier et ses assesseurs. Le markenrigter, c’est-à-dire le chef de la marke, s’appelait aussi markgraaf, le comte de la marke, littéralement le marquis, qui, comme le comte de la digue, le dykgraaf, veillait à la défense des intérêts communs. Il n’est pas difficile de reconnaître dans ces associations naturelles, fondées sur la possession en commun

  1. Dans chacune des communes actuelles de création relativement récente, il y a plusieurs marches. La commune de Westerbork en contenait neuf, celle de Bolde neuf, celle de Bellen douze ; celles-ci seules avaient une contenance de plus de 10,000 hectares.