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magnifique qu’envieraient Naples et Gênes. A Boskoop, à Aalsmeer, ce sont des pépinières admirablement soignées, qui fournissent des arbustes d’agrément à ces innombrables jardins qu’on admire autour de toutes les villes des Pays-Bas, et qui en expédient des bateaux chargés jusqu’à Paris même. A Loosduinen, à Naaldwyk, à Wateringen, les petits cultivateurs, qui sont en même temps d’habiles jardiniers, s’appliquent à produire toute sorte de légumes en primeur qu’ils vendent à Londres à des prix très élevés. C’est aussi dans le Westland qu’on obtient avec des soins infinis ces magnifiques raisins recherchés pour les tables royales, et qui l’emportent sur les fameux chasselas de Thomery et de Fontainebleau.

Il ne reste plus, pour compléter cette étude, qu’à décrire un système de culture pratiqué aussi dans la région haute que nous venons de visiter, mais qui diffère complètement des procédés qui y sont généralement suivis. C’est dans les colonies des tourbières et dans les colonies de bienfaisance qu’on le rencontre. L’exploitation de. la tourbe a été le sujet d’une étude spéciale dans la Revue[1]. Je rappellerai seulement ici qu’on a toujours soin de rejeter sur le fond sablonneux de la tourbière la couche supérieure qui forme un très mauvais combustible, et qui au contraire, mêlée au sable qu’on extrait des fossés, fait une terre très fertile quand on combine avec ce mélange de deux terres différentes une quantité suffisante d’engrais. Cette méthode fut introduite d’abord, semble-t-il, au XVIe siècle dans les vastes landes tourbeuses, hooge veenen, que la ville de Groningue possédait vers le sud-est de la province. A peine la paix conclue avec l’Espagne assura-t-elle quelque sécurité, que Groningue creusa un canal dans cette direction et accorda des concessions pour exploiter les veenen. Des paysans frisons dont le nom est encore conservé formèrent plusieurs associations : Trips-compagnie, Borger-compagnie, Kiel-compagnie, Nieuwefciesche-compagnie, qui successivement mirent des terrains en valeur. Beaucoup d’anabaptistes et de mennonites des provinces environnantes vinrent aussi peupler le désert, et ainsi se formèrent peu à peu les six communes, Hoogezand, Sappemeer, Oude-Pekela, Veendam, Nieuwe-Pekela et Wildervank, auxquelles on donna le nom de ween-kolonien (colonies des tourbières), et qu’on peut ranger parmi les plus riches et les plus beaux villages des Pays-Bas. Rien de plus singulier que l’aspect de ces colonies, dont les dispositions ont toutes été commandées par les nécessités de l’exploitation des tourbières sur le sous-sol desquelles elles sont assises. C’est une longue série de maisons coquettes et charmantes qui se poursuit en droite ligne, toutes séparées l’une de l’autre par un canal latéral, et chacune par conséquent

  1. Voyez cette étude de M. Esquiros dans la Revue du 15 décembre 1855.