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en l’honneur d’Artémis. Enfin, pour citer un dernier exemple plus significatif encore, à Athènes, dans certaines fêtes de Poséidon ou Neptune, le bain public était un rite sacré, et c’est à l’une de ces fêtes que Phryné, sortant de la mer, se montra pour la première fois sans voiles aux yeux de tous[1]. Ces faits, que nous avons choisis et en quelque sorte gradués à dessein, nous ont jeté loin de la théorie d’Emeric David, qui, bien que mythographe, les a ignorés ou n’a pas su en tenir compte. Ils montrent, ce semble, que l’artiste grec recueillait sur la beauté féminine d’autres leçons que celles de l’atelier. C’étaient pour lui autant d’ateliers et de musées d’une richesse inouïe et splendide que ces marches rhythmées dans les rues et autour des temples, où des draperies moelleuses et libres trahissaient les mouvemens aisés des canéphores, que ces danses reproduites sur les vases antiques, où les mains se cherchaient, où les bras s’entrelaçaient, que ces courses chitoniennes où la vierge Spartiate, pareille à la Diane chasseresse, et, comme la Vénus de Virgile, nuda genu, bondissait avec l’agilité nerveuse et l’élasticité d’un jeune faon, enfin que ces jeux neptuniens, ces bains sacrés où le vêtement de celles qui n’avaient pas l’audace de Phryné se mouillait de l’eau pesante ; et dessinait à leur retour sur la plage, sous la transparence des plis, des formes cachées à demi et par là plus idéales. Certes on peut, on doit même ne pas tout regretter de ces mœurs païennes et de ces fêtes plus fécondes en corruption qu’en vertus ; mais soutenir que le climat qui favorisait ces mœurs et provoquait ces fêtes mêlées de jeux gymniques et de concours de la beauté n’influa qu’à peine sur les progrès d’un art dont les formes physiques de l’homme sont l’unique organe, c’est n’avoir assez compris ni l’essence de la sculpture ni la nature grecque.

Après la disposition esthétique des Grecs, après le climat, qui ne créa pas, mais surexcita au plus haut point cette faculté du beau, il est difficile de ne pas placer immédiatement parmi les causes de la perfection de l’art statuaire les inspirations de la religion nationale. Cette influence ne vient qu’au second rang, parce qu’avant de vivifier là sculpture la religion mythologique fut elle-même modifiée et transformée par la poésie, c’est-à-dire par l’instinct esthétique inné et primitif de la race hellénique. Nous n’avons pas à raconter ici l’histoire de ce culte qui, selon les symbolistes les plus autorisés, présenta d’abord les caractères d’un véritable panthéisme naturaliste. Il nous suffira de dire comment l’esprit d’analyse brisa l’unité de la puissance physique, et comment le sentiment très

  1. Voyez à ce sujet l’étude de M. Beulé sur le Peintre Apelle dans la Revue du 15 novembre 1863.