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duchesse de Vivonne, qui visait à remplacer Mme de Montespan, sa belle-sœur, dans les faveurs du roi, était nommée dans cet écrit, et qu’il y était aussi question de Fouquet, pour le faire rétablir à la place de Colbert, dont on demandait la mort. Suivant l’abbé Lesage, Mme de Vivonne avait en outre signé avec la duchesse d’Angoulême et Mme de Vitry un écrit par lequel les trois amies faisaient un pacte pour la mort de Mme de Montespan. Mise à la question le 30 septembre 1680, la Filastre déclara, entre autres faits, que l’abbé Guibourg avait dit la messe dans une cave pour le pacte de Mme de Montespan et d’un homme de qualité qui poursuivait la mort de Colbert. « Au troisième coin de l’extraordinaire (nous citons le procès-verbal de la question), elle a dit que c’est Mme de Montespan qui faisoit donner des poisons à Mlle de Fontanges et des poudres pour l’amour, afin de rentrer dans les bonnes grâces du roi,… que c’étoit pour Mme de Vivonne qu’elle vouloit faire pacte avec le diable… Au quatrième coin de l’extraordinaire, que Guibourg travailloit pour le pacte de Mme de Montespan, et que l’homme qui en vouloit à M. Colbert étoit un veuf qui avait deux enfans. » Il faut toutefois reconnaître qu’avant de mourir, la Filastre déclara à son confesseur « que ce qu’elle avoit dit de Mme de Montespan n’étoit point véritable, et que ç’avoit été pour se délivrer des douleurs, et de crainte qu’on ne la réappliquât ; que si elle avoit persisté depuis, ç’avoit été par crainte et respect pour les commissaires, et qu’elle n’avoit cherché à entrer chez Mlle de Fontanges que pour avancer sa famille. » Mais cette rétractation, qui laissait subsister en entier les faits concernant Mme de Vivonne et les projets sur Colbert, était-elle bien sincère, et n’avait-elle pas été dictée par quelque motif que nous ne connaissons pas ?

Telles étaient les accusations au moins étranges formulées par les complices de la Voisin. Malgré l’évidence des exagérations, on peut se figurer l’effet qu’elles produisirent sur l’esprit du roi. Ignorées jusqu’à ce jour, les preuves de la préoccupation où elles le jetèrent sont cependant nombreuses et authentiques. J’ai là, sous les yeux, un dossier volumineux composé d’extraits, faits par Colbert lui-même, de tous les interrogatoires des accusés, et d’observations d’un célèbre avocat du temps, Claude Duplessis, à qui il communiquait ces interrogatoires pour s’éclairer de ses avis et se reconnaître dans ce dédale. De son côté, Louvois écrivait à Louis XIV et à La Reynie des lettres qui sont pour nous des traits de lumière.


« A LOUIS XIV. — Chaville, 8 octobre 1679. — J’entretins avant-hier M. de La Reynie qui m’apprit que les crimes des personnes détenues à Vincennes paroissoient tous les jours de plus en plus extraordinaires. Il y auroit