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III

Les révélations de la fille Voisin et des abbés Guibourg et Lesage exercèrent-elles quelque influence sur les amours de Louis XIV et de Mme de Montespan ? Une telle question, conséquence naturelle de cette étude, est délicate, et, comme on le pense bien, les preuves directes manquant complètement, il faudra se borner aux conjectures. La correspondance de Mme de Sévigné, fort active à cette époque, nous viendra néanmoins en aide au moyen de quelques-unes de ces particularités dont le sens intime dut lui échapper, parce qu’elle n’était pas dans le secret des événemens. Enfin, consultée avec discernement, la seule édition des Lettres de Mme de Maintenon que l’on ait jusqu’à présent nous offrira aussi quelques indices bons à recueillir.

Au moment même où La Reynie faisait des efforts inutiles pour se reconnaître dans les obscurités du procès pendant à la chambre de l’Arsenal, où par suite Louvois, Colbert et Louis XIV étaient livrés aux plus grandes incertitudes, trois femmes, la duchesse de Fontanges, la marquise de Montespan et Mme de Maintenon, étaient fort occupées, les deux premières à retenir, la dernière à capter les bonnes grâces du roi. Véritable météore de cour, la duchesse de Fontanges eut un instant de splendeur sans pareille, et obtint en quelques mois des faveurs au-dessus de ce que l’imagination la plus exigeante aurait pu rêver. Aucun des caprices de Louis XIV n’eut un éclat si imprévu, si éblouissant, si fugitif. Le 6 mars 1680, Mme de Sévigné écrivait à sa fille qu’il y avait eu un bal masqué à Villers-Cotterets chez Monsieur, où était la cour, et que Mlle de Fontanges y avait paru brillante et parée des mains de Mme de Montespan, laquelle avait de son côté très bien dansé. Le mois suivant, Mlle de Fontanges était faite duchesse avec vingt mille écus de pension. « Elle en recevoit aujourd’hui les complimens dans son lit, dit Mme de Sévigné ; le roi y a été publiquement ; elle prend demain son tabouret et s’en va passer le temps de Pâques à l’abbaye de Chelles, que le roi a donnée à une de ses sœurs… Mme de Montespan est enragée ; elle pleura beaucoup hier. Vous pouvez juger du martyre que souffre son orgueil, qui est encore plus outragé par la haute faveur de Mme de Maintenon. » Ah ! si la tendre et charmante duchesse de La Vallière apprit cette humiliation et ces outrages, comme elle fut vengée de ses anciennes souffrances, ou plutôt comme l’angélique sœur de la Miséricorde dut prier avec ferveur pour celle qui les avait causées ! Au milieu de ces intrigues de palais, le fils du grand moraliste si indulgent pour lui-même et si sévère