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tout fut accru. Un oukase du 28 juin suivant augmenta la solde de l’armée.

À deux reprises, l’impératrice Catherine viola l’engagement pris de se renfermer dans un maximum déterminé d’émission. Elle avait dépassé la limite de 20 millions primitivement posée ; elle franchit de même celle de 100 millions fixée plus tard. À sa mort, la somme du papier-monnaie s’élevait à 157,703,000 roubles. Ses successeurs ne s’arrêtèrent point en si beau chemin. En 1810, les assignats s’élevaient au chiffre colossal de 577 millions de roubles. Alexandre Ier reconnut, par son manifeste du 2 février 1810, cette masse de papier comme dette de l’état ; il lui donna pour garantie l’ensemble de la fortune publique, en ajoutant qu’aucune nouvelle émission de monnaie de papier n’aurait plus lieu. Cette promesse eut le sort de celles qui l’avaient précédée : en 1817, le total du papier-monnaie atteignait 836 millions de roubles.

Il est difficile de le nier après de pareils précédens, la facilité de créer la monnaie de papier recèle une fatale puissance d’expansion qui ne peut céder qu’à un moyen radical : si on recule devant l’application d’un remède héroïque, on aggrave le mal, on l’étend et on expose tout l’organisme de l’état à un terrible ébranlement. Les résultats des nouvelles émissions se montrent d’ailleurs invariablement les mêmes : la monnaie métallique continue de monter par rapport au papier-monnaie, le change ne cesse de fléchir, et le prix nominal de toutes les marchandises s’élève aussi en causant la ruine des particuliers et des pertes sensibles pour l’état.

De 1798 à 1817, la masse du papier-monnaie avait plus que quadruplé en entraînant la réduction de la valeur réelle du rouble-assignat au quart de la valeur nominale, et même au-dessous. Dès 1810 cependant, afin de rétablir l’équilibre rompu par une émission inconsidérée de papier, un manifeste du 27 mai avait annoncé un emprunt intérieur et la vente d’une partie des domaines de l’état ; l’impératrice Catherine avait déjà songé à une pareille mesure. C’est en 1817 seulement que ces projets purent se réaliser en partie : un emprunt fut contracté à 83 1/3 pour 100 en obligations produisant 6 pour 100 ; il eut lieu en papier-monnaie de manière à consolider au moyen d’une dette portant intérêt une portion de la dette improductive. Cette opération fut renouvelée en 1818 au taux de 85 pour 100 ; en 1820, un nouvel emprunt 5 pour 100 fut conclu au dehors en numéraire au taux de 72 pour 100, ce qui procura au gouvernement une ressource de 29 millions à peine contre un engagement porté à 40 millions ; d’autres emprunts analogues suivirent au taux de 77 et 77 1/2, et une partie des sommes ainsi obtenues fut remise à la commission d’amortissement