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sa puissance et son éclat au merveilleux discours par lequel M. Thiers l’a inaugurée.

Le mouvement auquel aujourd’hui la France s’abandonne avec résolution et avec confiance la porte vers la liberté. Cette marche des choses et des idées est significative, et il est à désirer que tout le monde en comprenne à temps la portée. Nous n’aimons point les réminiscences qui ressemblent à des récriminations, et qui, au nom d’un passé heureusement évanoui, pourraient diviser dans le présent les hommes de bonne volonté ; mais, s’il est permis de juger les événemens contemporains avec l’impartialité et la sérénité de la philosophie de l’histoire, ces deux faits généraux paraîtront incontestables. La France en 1852, en réaction contre les alarmes que lui inspira le régime de la révolution de 1848 et dont elle imputa les perturbations aux excès d’une liberté mal réglée, fit de l’intérêt de l’ordre la première de ses préoccupations, et voulut en quelque sorte être protégée contre elle-même en donnant à l’ordre matériel les garanties les plus absolues. Cette étape où la passion exclusive de l’ordre matériel était son unique mobile, la France l’a aujourd’hui entièrement parcourue, et, revenant sur ses pas, elle veut unir à l’ordre ce qui en est la condition morale et permanente, la liberté. Cette réaction nouvelle, cette réaction généreuse, cette réaction libérale est commencée déjà depuis quelque temps, et rien désormais n’en pourra empêcher le succès final. Il y a peu d’années, quand nous commencions à faire retentir ici, dans l’appréciation de la politique courante, ces mots de liberté et de libéralisme, à quelles railleries sceptiques n’étions-nous pas exposés l par quels pronostics décourageans n’étaient pas accueillis ceux qui avaient la fermeté patiente de tenir haut le drapeau en marquant le pas ! Pour ceux qui ont été les premiers militans dans cette lutte, ce qui se passe aujourd’hui, n’est-ce pas déjà la victoire ? Les mots de liberté et de libéralisme nous sont pris par nos adversaires eux-mêmes, qui cherchent à s’en parer. Dans la jeunesse et dans la presse, tout ce qu’il y a de talent, de générosité d’esprit, d’élévation de caractère, est libéral. Dans les intérêts, dans les événemens, et c’est le propre des mouvemens destinés à triompher, tout vient en aide à la liberté. Ainsi que l’ordre il y a douze ans, la liberté se présente aux intérêts comme une garantie de sécurité. Les remèdes aux fautes commises sont demandés par les plus prudens à l’amélioration libérale des institutions. On devait s’attendre à un pareil retour : une nation vivante ne peut guère s’engourdir pendant plus d’une dizaine d’années dans une préoccupation politique exclusive. Lorsqu’au lendemain du 2 décembre la constitution actuelle fut promulguée, en conservant encore la forme républicaine, l’empereur, avec la sagacité politique qui le distingue, assigna aux pouvoirs du président de la république une durée de dix ans. Cette période décennale devait-elle, dans la pensée de l’auteur de la constitution, s’appliquer seulement à la durée du pouvoir présidentiel ? N’indiquait-elle pas aussi la date assi-