tout à fait ? Nullement, et c’est là même le vrai caractère de ce jeune athlète de l’église nouvelle de rester le lutteur de l’esprit sans cesser d’être un prêtre intègre et pur.
C’est dans les Pyrénées que Julio a commencé, c’est dans les Pyrénées qu’il revient finir, dans la petite cure de Melles, au-dessus de Saint-Béat, où l’archevêque Le Cricq a consenti, non sans peine, à le replacer ; mais comment finit-il ? C’est là précisément, dans ce dernier asile, dans cet exil, que le coup décisif va le frapper. Son malheur est d’être plus obéissant de cœur que d’esprit et de garder l’indépendance du penseur religieux dans la soumission du prêtre, dans la fidélité aux devoirs du sacerdoce. Retiré des luttes du journalisme, il n’a pas renoncé à écrire : il fait un livre sur la puissance temporelle des papes. Il n’en fallait pas plus. À ce moment se réunit justement à Limoux, dans le département de l’Aude, le concile provincial, et à défaut de l’archevêque de T., dont les ménagemens commencent à devenir suspects, un autre prélat, qu’il ne serait peut-être pas difficile de désigner, qui est connu pour sa fougue ultramontaine, l’évêque de ***, président de la congrégation de fide, s’élève contre l’apostat, le blasphémateur, le nouvel Arnaud de Bresse qui désole le midi :
« Qu’il soit maudit, le prêtre qui a proféré dans la chaire de vérité des doctrines scandaleuses !
« … Qu’il soit maudit, le prêtre corrupteur des âmes par les doctrines empestées du journalisme moderne !
« … Maudit celui qui attaque la puissance temporelle des pontifes de Rome, sans laquelle leur puissance spirituelle n’est pas libre !
« … Maudit soit l’orgueilleux, l’hérétique, le profanateur, le novateur, le folliculaire, le fabricateur de livres de scandale !
« Maudit qui approuvera les doctrines de Julio, actuellement encore curé de Melles, dans le diocèse de T. ! »
Après cela, l’interdiction n’est pas loin, et si l’archevêque de T., qui n’aime pas trop le bruit, élude encore, c’est pour que le coup vienne, non de lui, mais de plus haut, de Rome. Ce n’est pas tout encore pourtant : en ce moment même, Julio est soumis comme homme à une bien autre épreuve. Lui qui entoure Louise, la compagne de sa vie et de son exil, d’une affection presque excessive, il vient de découvrir dans des papiers de famille que cette jeune fille n’est point sa sœur. Cette tendresse qui devient coupable pour un prêtre, il faut la combattre, l’étouffer courageusement : mais c’est là la dernière épreuve de l’homme. Heureusement il est aidé dans cette lutte morale par Louise elle-même, qui depuis longtemps est atteinte aux sources de la vie et meurt doucement dans ses bras,