au nom de la liberté ; on ne lui dispute pas davantage le droit d’exploiter lui-même ou de faire exploiter en son nom avec un monopole les chemins de fer, les canaux, etc. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit là de grands services publics qui doivent s’accomplir avec ordre et régularité, et sous la foi d’une grande responsabilité, comme l’est celle de l’état ; on sent que, si on y introduisait la concurrence, le service n’y gagnerait pas, ou plutôt qu’il en souffrirait. Ce qui est vrai du monopole pour le transport des lettres et des dépêches, pour l’exploitation des chemins de fer, l’est également et a fortiori pour la fabrication de la monnaie. Tout le monde reconnaît que l’état seul a le droit de battre monnaie, c’est-à-dire de mettre dans la circulation des pièces d’or, d’argent ou de cuivre, après les avoir revêtues de son empreinte et en leur attribuant une valeur déterminée. Et pourquoi cette fonction est-elle réservée exclusivement à l’état ? Des compagnies, des associations particulières auraient bien pu, comme lui, mettre une empreinte sur une pièce de métal, lui donner la garantie d’un certain poids et d’un certain titre et la répandre dans la circulation à leurs risques et périls : il est même probable qu’elles auraient pu le faire à meilleur marché, c’est-à-dire avec un droit moindre pour les frais de monnayage ; pourquoi nulle part n’a-t-on voulu de cette concurrence et a-t-on laissé à l’état le monopole de la fabrication de la monnaie ? Parce qu’on a compris qu’il y avait un intérêt énorme à ce que la monnaie, qui doit servir de mesure à la valeur de base à toutes les transactions, n’eût qu’un seul type, et qu’elle fût garantie, quant au poids et au titre, par la plus haute autorité qui existe, c’est-à-dire par l’état ; c’était un service public de premier ordre, et la petite économie dans la fabrication qui pouvait résulter de la libre concurrence n’était rien à côté de cette garantie.
On peut dire qu’il n’en est pas de même pour les billets au porteur, qui ne sont après tout que des promesses de paiement et non le paiement lui-même, et que chacun doit être libre de donner à sa promesse de paiement la forme qui lui convient. Sans doute le billet de banque au porteur n’est pas la monnaie même, et tant qu’il n’a pas cours forcé, chacun est libre de le refuser ; cependant en fait il circule comme la monnaie, il libère celui qui l’a donné en paiement quand on a bien voulu l’accepter, et il remplit si bien l’office de monnaie que c’est pour économiser l’usage de celle-ci qu’on cherche à le répandre de plus en plus dans la circulation. En fait donc, le billet au porteur remplit l’office de monnaie, et c’est là son grand mérite. Or peut-on donner à tout le monde le droit de faire sous forme de papier ce que l’état seul peut faire sous forme de métal ? Et parce que la monnaie ainsi créée sera un billet au porteur,